QUI EST FANA TSHIFUFU ?
Anicet FANA est né le 26
Mai 1986 à Sandoa dans le district du Lualaba au Katanga. Il est fils de papa
TSHISOLA Taylor et de MWADI Anastasie. Il est 5è enfant d’une famille de 9
enfants dont 6 garçons et 3 filles. Il a fait ses études primaires toujours à Sandoa
à l’EP. KITUMAINI et ses études secondaires à l’Institut MUUNGAJI à Sandoa toujours
à Sandoa et c’est là qu’il a décroché son diplôme d’Etat en section pédagogie
générale.
Après ses études
secondaires il est entré à la propédeutique salvadorienne depuis 2007 et
actuellement il vient de finir le graduat en philosophie au scolasticat
Bienheureux Jean XXIII à Kolwezi.
Quelques conceptions du
corps avant Merleau-Ponty
Introduction
partielle.
Nous savons que le corps humain fait
l’objet d’étude de plusieurs disciplines scientifiques. Son étude peut
concerner la physique, la biologie, la métaphysique, l’éthique, la morale, la
médicine, etc. De cette diversité d’approche de la notion du corps humain, apparait une extrême
difficulté de générer une définition satisfaisante de sa notion.
Pour
notre part, nous voulons dans ce chapitre revisiter la notion du corps dans
l’histoire de la philosophie avant d’élucider l’apport Merleau-Pontyen sur
ladite notion. Plus précisement, il sera question de préciser le contenu
sémantique que le corps a reçu au travers de quelques grandes figures de la
philosophie occidentale. Partant quelle est la conception du corps dans les
philosophies dualistes ?
1.1. Les conceptions dualistes de l’homme
Il
est des penseurs qui affirment que l’être humain n’est pas que corps, il est aussi âme. Et donc plusieurs
termes sont utilisés selon les religions, les cultures pour désigner cette
dimension dualiste de l’homme.
1.1.1. Platon
Platon part de la distinction entre
le monde sensible et le monde des idées. Le premier monde est le seul que
connaissent nos sens, le monde sensible. Il est changeant et est le reflet du
monde vrai. Le deuxième monde, le monde des idées, est le véritable. Il s’agit
d’un monde situé au dessus du monde sensible, invisible pour les yeux du corps,
mais visible pour l’œil de l’âme. C’est là que se trouvent les idées,
c’est-à-dire les essences immuables et universelles des choses.
Dans cette conception dualiste de
l’univers, l’homme lui apparait un être composite : il est sensible par
son corps et appartient par là au monde sensible, matériel ; mais il est
immatériel, âme : par sa raison, il participe à l’intelligible, au logos.
De cette logique dualiste, Platon désapprécie le sensible, le corps par rapport
à l’âme. Le corps de l’homme devient un tombeau.[1]
Le corps est pour l’esprit une
prison, il est voué au devenir et à la mort. D’où l’homme doit chercher à
s’évader de la prison du corps par le travail de la pensée et la contemplation
des idées. Autrement dit : le corps dépravé interdit l’homme d’accéder,
par un détachement progressif, à cette vérité intelligible du corps et c’est
dans ce sens qu’il dira « quand
l’âme et le corps sont ensembles, à l’un la nature ordonne d’obéir et d’être
esclave et à l’autre d’avoir l’empire et de commander ». [2][D’où le mythe du char ailé dans le
« Phèdre » : deux chevaux, l’un blanc, l’autre noir tirent un
char ; le cheval blanc tire vers le ciel des idées, le cheval noir
entraine l’attelage vers le sol. Pour Platon : le char total, c’est
l’homme dont l’esprit s’illustre dans le cheval blanc et le corps dans le
cheval noir. Le conflit se perpétue sans fin jusqu’à la mort, où l’esprit et le
corps se séparent. Le corps est donc le tombeau de l’âme, en mourant, le corps
libère l’âme qui retrouve sa vraie nature. Le corps c’est l’autre, la
différence, l’autre de l’esprit, qui seul supporte l’identité de ce que je
suis, le moi, mais aussi et plus radicalement l’identité en tant que concept.
1.2. Saint Augustin
Le
christianisme a été développé à l’époque médiévale par saint Augustin comme une
religion et une philosophie. Imprégné de la philosophie Platonicienne, Augustin
considère certes Dieu comme seul véritable personne. Celui-ci présente en
effet, une véritable unité et identité qui soient parfaites en soi. Mais quel
serait alors le statut du corps ?
En effet, chez Augustin, l’homme
n’est ni le corps ni l’âme, mais la composition des deux : « c’est l’un et l’autre réunis qui méritent le
nom de l’homme ».[3]
par ailleurs, il faut souligner que l’homme, tout en étant composite corps et
âme chez Augustin, celui-ci affirme que l’âme est supérieure et elle est la
partie la meilleure : « le plus
précieux est en moi l’élément intérieur.[4] »
Il accorde donc nettement la primauté à l’âme humaine qui est à l’image de
Dieu. Ainsi, malgré le péché, l’âme a le pouvoir de s’abstraire de tout ce qui
l’attarde au monde, et de s’élever jusqu’à Dieu. C’est ce qui fait que l’homme
voit le bien par les yeux de l’esprit et fait le mal entrainé par les désirs de
son corps.
Outre la supériorité de l’âme, le
corps revêt aussi quelque importance chez Augustin : « le corps a sa place dans la béatitude
et que l’âme ne peut être heureuse que lorsque le corps lui est pleinement
soumis, ce en quoi le corps trouve sa perfection ».[5] Ainsi
la morale Augustinienne n’est pas une morale désincarnée, mais elle prend en
compte l’homme dans sa totalité de ce qu’il est : le corps et les vertus
du monde sensible et sensuel ne sont pas négligés, ni les plaisirs du corps,
bons ou mauvais.
I.3. René Descartes
La
philosophie cartésienne part du doute. René Descartes se lance dans une quête
de ce qui peut être certain. Il doute alors de tout ce en quoi il croyait. Il
découvre alors qu’il pouvait douter du fait qu’il ait ou non un corps car il se
pouvait qu’il soit simplement en train de rêver de son corps, ou que ce ne fût
qu’une illusion créée par un « malin génie » ; mais il ne
pouvait pas douter de l’existence de son esprit. D’où : « je pense, donc je suis ». L’homme
est donc chez Descartes un sujet pensant, distinct du corps. Il y a donc chez
Descartes une anthropologie dualiste : l’homme est constitué de deux
substances réellement distinctes l’une de l’autre : le corps qui
correspondant à l’étendue et l’âme doivent être distingués comme deux
substances. Il y a d’une part la pensée en l’homme comme élément principal,
prioritaire, réductible même à l’homme car avec le «
cogito ergo sum », le corps ne détermine plus le sujet, l’homme, mais
plutôt le fait de penser, de juger. Descartes dit : « je nie absolument que je sois un
corps ».[6] Ceci voudrait
dire que seule l’activité de la pensée atteste la présence du sujet, le cogito
est différent de la chose étendue, le cogito, l’esprit est une « chose
pensante » et une substance immatérielle. Cette chose est l’essence de sa
personne, celle qui doutait, croyait, espérait et pensait. Il
s’exprime : « j’ai une
claire et distincte idée de moi-même, en tant que je suis seulement une chose
qui pense et non étendue, et j’ai une idée distincte du corps, en tant qu’il
est seulement une chose étendue et qui ne pense point ».[7]
Descartes est donc pour un sujet qui n’a pas besoin du corps pour penser, pour
être. L’esprit, chose pensante peut exister indépendamment de son corps étendue.
I.4. Spinoza
Remarquons d’abord que Spinoza est
contemporain de Descartes et l’a certainement lu. Ensuite, il est lui aussi
pour une conception dualiste de l’homme, celui-ci est « fait d’un corps et d’une âme, c’est-à-dire d’un mode actuel de
l’étendue et d’un mode actuel de la pensée consistant à l’idée de ce corps[8] ».
Il y a deux substances : le corps et l’esprit. Mais entre les deux il y a
un lien : « l’âme est
l’idée du corps [9]».
Contrairement à Descartes qui a admis, après avoir opposé aussi décidément que
possible le corps étendu et l’âme pensante, qu’il y a union du corps et de
l’âme qui se fait dans la glande pinéale.
Bref, Spinoza entend par corps, un
mode qui exprime de manière certaine et déterminée, l’essence de Dieu, en tant
qu’on la considère comme chose étendue. Pour lui, l’individualité du corps est
celle d’une machine dont « les
différentes parties sont disposées par les causes extérieures de telle sorte
qu’elles se communiquent le mouvement selon un ordre permanent ».[10]
Nous venons de relever la conception
du corps dans les philosophies dualistes. Tous les philosophes fréquentés
viennent de séparer le corps et l’âme, en montrant par la suite que le corps
n’est qu’un objet, une prison de l’âme. Qu’en est-il d’autres philosophies ?
1.2. Les conceptions de l’unité corps-âme
Si le corps a été confondu à un
objet qui peut être soumis à l’expérience, dans les philosophies
dichotomiques ; par contre dans les philosophies qui suivent, le corps
revêt quelque importance. Il cesse d’être un objet, il revêt ses lettres de
noblesse.
1.2.1. Aristote
À
en croire les spécialistes d’Aristote, celui-ci a fait d’abord sienne la
conception dualiste et Platonicienne des relations entre l’âme et le corps. En
effet, ils montrent que dans « De l’âme », Aristote a d’abord
enseigné que l’âme préexistait au corps et qu’elle vivait ici- bas, comme dans
une prison. La mort était pour elle une délivrance, un retour à la maison, une
sortie de l’exil pour retrouver à nouveau sa vie proprement divine.[11]
Il
dit qu’à la notion de corps matériel et naturel se substitue l’idée du corps
propre, c’est-à-dire d’un organisme qualifié par son appartenance à une
destinée, dont il assume l’insertion dans le domaine humain[12].
Ensuite, Aristote a rejeté complètement ce dualisme anthropologique
Platonicien. Pour lui, l’âme est devenue le principe vital qui assure l’unité,
l’identité et la permanence de l’être vivant tout au long de son développement.
Ainsi il y a une âme végétative, une âme sensitive et une âme intellective.
Jusque là, l’on peut facilement déduire qu’il y a séparation entre l’âme et le
corps chez Aristote. Pourtant, il nous faut bien prendre soin de signaler que
la conception Aristotélicienne de l’âme, s’inscrit dans sa vision ontologique
générale de « l’hylémorphisme », conception selon laquelle l’être est
composé de deux principes, dont l’un est principe déterminant (la forme) et l’autre,
le principe déterminé (la matière). Ce qui est intéressant, est que ces deux
principes sont inséparables, en ce sens qu’il n’existe jamais de forme isolée
sans matière informée, ni de matière à l’état pur sans principe
informant : « l’âme est la forme d’un corps naturel qui a la vie
en puissance ».[13]Donc,
dans la logique hylémorphique, il n’existe pas dans le monde des réalités
naturelles non informées, au fur et à mesure que l’on monte dans l’échelle des
êtres, l’être supérieur intègre dans sa structure des structures inférieures,
il forme des formes…, et ainsi jusqu’à l’homme qui apparait comme l’être au
sommet de cette hiérarchie.
Somme
toute, à la question du rapport corps et âme, répondons avec Aristote que corps
est totalité organique et ce qui entre dans cette totalité, est la matière
intégrée, corporalisée, c’est-à-dire un « corps naturel » qui a la vie
en puissance. Et l’âme est substance, mais substance incomplète qui ne devient
complète que lorsque le corps vivant, animé est constitué. D’où André Bernard
de conclure que chez Aristote, il vaut mieux dire que « la substance complète c’est le corps animé ». [14]
1.2.2. Saint Paul de Tarse.
Paul de Tarse rencontre de front la
pensée grecque, pensée issue du Platonisme sur la conception anthropologique.
Celle-ci oppose corps et esprit. Le corps est un obstacle à la vie spirituelle.
Ainsi le salut se conquiert ou se conçoit
malgré ou contre le corps qui doit être neutralisé et totalement
contrôlé. C’est ce que Paul exprime en ces termes : « Toute fois,
s’il est utile pour mon œuvre que je continue à vivre dans la chaire, je ne
sais que préférer. Je suis enfermé dans ce dilemme : j’ai le désir de m’en
aller et d’être avec le christ ce qui serait de beaucoup le meilleur (2cor5, 8-10).
Par contre, il développera une autre
conception anthropologique où le corps devient le pivot du salut de l’homme. La
résurrection n’est possible que grâce au corps. Ainsi l’homme n’a pas un corps
mais est un corps. Celui-ci ne désigne pas une partie de l’être humain, mais
l’homme lui-même entant qu’il est enraciné dans le monde et dans la durée. Le
corps est le sujet humain qui parle, qui vit et s’exprime dans l’histoire et
dans la relation à autrui. Saint Paul réagit contre la mentalité grecque pour
qui le corps n’a pas d’importance dans la vie religieuse. Dans ce cas, l’homme
serait libre dans son usage de la nourriture, la sexualité : « je
dispose de tout » est l’adage grec de la liberté. Or, quand Paul s’exprime
à propos des aliments qui sont pour le ventre, il précise que les aliments sont
pour le ventre, comme le ventre pour les aliments ; Dieu réduira à rien
celui-ci comme celui-là. Mais le corps n’est pas pour l’inconduite sexuelle, il
est pour le Seigneur, comme le Seigneur est pour le corps. Si l’ensemble des
fonctions biologiques disparaitront, le corps, lui, est engagé dans des
échanges personnels, il est un lieu de relations
Bref, pour Saint Paul, à cause même
de l’incarnation du christ et parce que nous sommes des êtres historiques
engagés dans le monde, notre salut ne pourra se réaliser qu’avec notre corps
créé pour la relation, la vie, la sainteté dès maintenant.
1.2.3. Maine de Brian
Contrairement aux philosophes
dualistes, et plus particulièrement le cartésianisme, Maine de Brian entend le
sujet dans son ensemble corps-conscience. Il réconcilie ainsi la psychologie et
la physiologie du corps.
« La certitude que j’ai de mon
existence n’est pas celle d’un être abstrait, mais
d’un individu qui se sent modifié dans un corps étendu, inerte, organisé, sur lequel il agit. La
certitude de l’existence de ce corps fait donc partie
essentielle de celle que j’ai de mon être [15] ».
Il
n’y a pas donc chez Maine de Biran, d’une part le sujet moteur et d’autre part
un sujet pensant qui agirait sur celui-là, il y a affirmation de manière
conjointe de l’évidence indubitable du corps et de la pensée. Il y a donc
l’intention avérée chez Biran de montrer que la présence du corps est
nécessaire à la pensée elle-même :
« Le corps concourt aussi
nécessairement à l’intellection qu’à l’imagination. En effet, je ne concevais pas plus le triangle que le myriagone,
s’il n’avait des signes auxquels
ces concepts fussent attachés, et de plus s’il n’y avait l’idée d’une étendue extérieure dont
l’aperception immédiate de mon propre corps
est le type nécessaire ».[16]
Il
y a chez Biran, contrairement à Descartes, un fait primitif de la conscience qui
est l’effort moteur qui distingue et relie le moi et le corps propre. Et c’est
ce fait moteur, pris au titre du corps propre qui est premier et qui conduit
Maine de Biran à envisager par là même la transcendance du corps propre. D’où
l’affirmation de la conscience n’a lieu que par la nécessité du corps.
1.2.4. Edmund Husserl
Il est vrai que la phénoménologie
date d’avant Edmund Husserl, « ses
disciples (de la phénoménologie) la retrouvent partout dans Hegel et dans Kierkegaard
bien sûr, mais aussi dans Marx, dans Nietzsche, dans Freud ». [17]Mais
c’est Husserl qui est considéré comme le père de la phénoménologie
contemporaine. Partant, l’on comprendra son influence sur la phénoménologie du français
Merleau-Ponty, notamment sur les thèmes liés au corps, au temps, à la
perception, à la présence d’autrui, au monde, etc.
Par rapport au corps, thème central
dans cette dissertation philosophique, Husserl montre que l’unité du corps
n’est pas seulement une perception externe, mais est déterminée par une aperception
qui est une prise de conscience des sensations tactiles et visuelles avec les
sensations kinesthésiques. Il écrit : « la conscience et le monde des
choses forment alors un tout lié, résumé dans ces unités psycho-physiques
individuelles que nous nommons êtres animés (animalia), pour former au sommet
l’unité réelle (realen) du monde total (…). Le propre de toute conscience
percevante est d’être la conscience de la présence corporelle… [18]».
Pour Husserl, le corps de
l’homme ne peut pas le fuir, il ne peut pas être objet de sa perception.
L’homme perçoit donc le monde au travers de son corps dont il ne perçoit jamais
l’intégralité. Il apparait donc pour Husserl que le corps n’est pas seulement
un objet parmi plusieurs objets dans le monde, il est le lieu dans le monde
où se trouve la conscience et c’est
grâce à lui que le monde a un caractère perceptif.
Par ailleurs pour Husserl, la caractéristique de la conscience,
c’est son intentionnalité, la conscience, c’est la conscience de quelque chose.[19]
Mais pour rester dans la conception du corps, l’on comprend déjà, quelle
influence husserlienne qu’a subi Merleau-Ponty quand il dit : « mais
je ne suis pas devant mon corps, je suis dans mon corps, ou plutôt je suis mon
corps [20] ».
Conclusion
Nous avons relevé deux tendances
philosophiques distinctement opposés au sujet du rapport entre corps et âme. Certains
penseurs ont développé une conception dualiste du corps et de l’âme. Et là, ils
ont souligné la supériorité de l’âme comme principe vivificateur du corps. Celui-ci
apparaissant comme prison de celle-là. Il est considéré comme objet que l’on
peut soustraire des activités de l’âme. D’autres cependant, soutiennent l’union
radicale du corps et de l’âme. Ils ont ainsi valorisé le corps en cessant de le
considérer comme objet. C’est cette tendance d’une vision totalisante qui
constitue le soubassement de la conception du corps chez Merleau-Ponty.
[11] Cfr A. Bernard, l’homme et son
accomplissement. Essai d’Anthropologie philosophique, éd. Saint Paul,
Kinshasa, 1989, p.182.
[15] Cfr Biran
cité par Merleau-Ponty, l’union de l’âme et du corps chez
Malebranche, Biran et Bergson, Vrin,
Paris, 1978, p.66.
[16] Cfr Biran, cité
par Merleau-Ponty, l’union de l’âme et du corps chez
Malebranche, Biran et Bergson, p.66-67.
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