samedi 31 août 2013

SCIENCE:EXTRAIT DU TFC DU FR JULES KAPYA sds

     "LA NOTION DE L’AMOUR SELON                                    JEAN GUITTON"

LES DIFFERENTES CONCEPTIONS DE L’AMOUR SELON CERTAINS PENSEURS

I.0. Introduction partielle

Chaque personne humaine, d’une manière ou d’une autre a besoin d’aimer et de se sentir aimé quelle que soit la forme que l’amour prendra. La flèche d’aller a toujours besoin d’une flèche de retour. Quant aux enfants, le manque d’amour prive le petit enfant d’un élément vital irremplaçable. Le concept « amour » est l’un de plus galvaudé dans toutes les langues du monde. Il est souvent réduit à la génitalité, on dit alors platement «  faire l’amour », ce même concept ramène à l’amour physique ou à l’amour sentimental. Mais  pour ne pas réduire la richesse de ce mot à la génitalité on distingue clairement Eros et Agapè.
Dans le dialogue Le Banquet, Platon raconte qu’ « Eros » (l’Amour) est fils de « Poros »(Richesse) et de « Pénia »(Pauvreté) : l’amour pauvre dans la mesure où il désire ce qu’il ne possède pas. C’est cet aspect qui explique le dynamisme du désir ; mais il est aussi la richesse du bonheur et de la plénitude intérieure. Ce double aspect de richesse et de dénuement est psychologiquement très caractéristique de l’amour.[1]

I.1. L’Amour selon Platon

Différents penseurs ont parlé de  l’amour et chacun l’a abordé selon sa vision. Avec Platon, nous avons découvert ce qu’il entend par l’amour. Disons d’avance que « Le Banquet » n’est pas le seul ouvrage où Platon ait traité de l’amour. La Plus grande et la plus belle partie du Phèdre est consacrée à la même question. Quant à ce qui concerne Le Phèdre, Platon y rapporte deux espèces d’amour, l’amour vulgaire et l’amour honnête :« L’amour vulgaire, qui ne vise qu’au plaisir, est égoïste, jaloux, tyrannique ; il ne va jamais sans injures et querelles violentes et il aboutit fatalement à la brouille et à l’abandon. Et concernant l’amour honnête, celui-ci correspond à l’amour céleste, serviteur de l’Aphrodite céleste »[2].
Dans Le Banquet de Platon, nous trouvons une autre explication de l’amour. L’homme veut se survivre à lui-même, et tous les travaux des ambitieux et des artistes ont pour but l’immortalité, mais leurs efforts ne perpétuent que leur nom, tandis que l’amour perpétue l’homme lui-même dans ses enfants. Voilà pourquoi c’est un sentiment universel, qui gouverne non seulement les hommes, mais tous les êtres vivants. En parcourant cet ouvrage de Platon, nous nous sommes rendu  compte que  la génération est définie dans la beauté, et est rattachée au désir d’immortalité qui travaille tous les êtres vivants. C’est pourquoi Platon dit : « L’amour  est un instinct physique qui vise à la perpétuité de l’espèce ; la vertu relève de la conscience et recherche la perfection individuelle ; enfin la science naît de la curiosité et a pour but la connaissance»[3].
Aux yeux de Platon, l’amour de la femme est un amour inférieur ; seul, l’amour de l’homme pour l’homme est digne de séduire une âme généreuse, née de la philosophie. Il est vrai que cet amour doit avoir pour but l’enfantement de la science et de la vertu dans l’âme du bien-aimé. Platon prétend que la génération charnelle n’est que le premier degré de l’amour, qu’une âme bien née doit s’élever de l’amour des corps à l’amour des âmes puis de l’amour des sciences, pour culminer dans  l’amour de la beauté absolue.

I.2. L’Amour selon Louis Lavelle

Métaphysicien qu’il est, Lavelle nous offre sa vision sur l’amour.

I.2.1. Amour et Volonté

Pour Lavelle, l’amour est un consentement de tout notre être qui ne consulte pas la volonté, mais qui l’ébranle jusqu’à la racine. Lorsque nous découvrons tout à coup sa présence, il est trop tard pour choisir. Et pour le reconnaître qu’il est là, c’est que notre volonté, bien qu’elle se sente troublée, n’a  plus de forces contre lui. Louis Lavelle renforce  cette idée en disant :« Il ne faut pas espérer surmonter l’amour par un effort de volonté. Car l’amour est le vœu le plus profond de tout notre être. Mais il faut creuser notre âme assez avant pour qu’il ne puisse naître en elle qu’un amour dont notre volonté ne soit humiliée »[4].

I.2.2. Développement de l’amour

Etant donné que beaucoup de choses dans la nature sont appelées à une croissance, il est de même aussi pour l’amour à pouvoir se développer. Nous avons souvent la croyance telle que l’amour naît dans l’âme sans qu’elle l’ait cherché comme y naissent les idées. Et comme elles, quand on le cherche, il semble nous fuir. Ainsi l’amour suppose  toujours une attente et un consentement intérieur, bien différents de ces vains efforts du désir qui le chassent en croyant l’appeler. Et comme celui qui attend les idées avec une humble patience les voit s’offrir peu à peu à lui et engager avec lui un dialogue spirituel, celui qui montre à l’amour assez de confiance pour ne pas le presser de venir à lui, ne s’étonne point de le voir tout à coup éclore dans son cœur et éveille un écho. A ceci Lavelle ajoute :« Il arrive que l’amour le plus fort ne soit pas celui qui se découvre à nous soudainement, mais celui qui, sans paraître nous consulter, s’insinue en nous lentement en cheminant sous nos yeux »[5].
L’amour est toujours un acte. Et quand il cesse de l’être, il cesse d’être. L’amour qui ne se préoccupe pas constamment de lui-même, de se maintenir et de s’accroître, est voué à disparaître.

I.3. L’Amour selon PIERRE BURNEY

I.3.1. Les fondations de l’amour

I. 3.1.1. La part animale de l’amour

Il est vrai que l’étude des animaux et la part animale de nous-mêmes pour éclairer certains aspects de l’amour humain est importante. En effet, Pierre Burney renforce cette idée en disant :« Nous sommes des animaux, nous dit R. de Gourmont (physiologie de l’amour). Et quant nous faisons l’amour, c’est bien, selon l’expression des théologiens, more bestiarum. L’amour est profondément animal : c’est sa beauté »[6].
Disons que les références animales nous montrent, sous leurs formes « brutes », les manifestations de la pudeur et de la coquetterie. Les animaux ont certaines conduites qui nous aident également à comprendre les origines de la « cour » que l’on fait aux femmes, les préludes à l’amour, les caresses et jusqu’à l’importance du regard, toucher spécial dont les poètes ne se sont pas lassés de chanter le rôle primordial dans la découverte mutuelle et dans l’union. Le sentiment de la propriété sur les femmes, ainsi que la jalousie qui accompagne, le renouvellement de l’excitation érotique par le changement de partenaire, le caractère « contagieux » de la sexualité et les conflits violents qui accompagnent habituellement toute activité sexuelle collective, voilà quelques éléments qui nous mettent en liaison avec le règne animal ou que nous héritons du règne animal.

I.3.1.2. Des racines plus profondes de l’amour

Les racines que  nous voulons donner ont une référence animale. Le verbe « aimer », disons-le, qu’il s’applique au désir de la nourriture comme à la faim des êtres : la faim, écrit Jean Rostand, est l’amour sous sa forme la plus brute et la plus primitive. On songe à cette phase « cannibalistique » si bien décrite par certains psychanalystes, pendant laquelle le bébé encore au sein paraît vouloir dévorer le corps de sa mère.
I.3.2. La croissance de l’amour
L’amour subit  une certaine croissance c’est-à-dire que c’est un passage de l’égoïsme à l’altruisme. « L’idée de Platon écrit Jean Guitton reste vraie : l’amour est à la fois  générateur et  éducateur, « l’éducation n’étant peut-être point autre chose que la présence continuée de l’amour autour de ses effets ». On ne peut pas dire pour autant à l’éducateur : « Aime, et fais ce que tu voudras ! » »[7].
En nous référant aux différents stades par lesquels l’enfant passe tout au long de son développement, nous dirons qu’il ya une nouvelle étape qui est franchie lorsque l’enfant généralement avant la quatrième année, découvre la sensibilité spéciale de ses organes génitaux, et l’enfant a la révélation de la distinction des êtres en deux sexes. Pendant cette période délicate, l’enfant commence face à ses parents l’apprentissage de l’amour. Il convient d’ajouter aussi que l’amoureux, sans cesse de s’aimer lui-même, recherche également le bonheur de l’autre, et va parfois jusqu’à préférer ce bonheur au sien. Teilhard de Chardin conclut en disant : « seul l’amour est capable d’achever les êtres, en tant qu’êtres, en  les réunissant »[8].

I.4. L’Amour selon Jean Lacroix

Sans doute le mot a plusieurs sens. Les psychologues distinguent volontiers l’amour captatif, qui veut posséder l’objet, l’amour oblatif, où l’aimant renoncé à lui-même en faveur de l’être aimé pour être en quelque sorte possédé par lui, et l’amour de communion, où le centre de gravité de la relation amoureuse n’est dans aucun des deux partenaires mais où chacun se considère partie d’un tout qui les transcende l’un et l’autre , et les  fait  être réciproquement dans la mesure où ils y participent. Mais il est bien clair que le véritable amour c’est l’amour oblatif et l’amour de communion ou plutôt ce qu’il ya d’oblatif et de communion dans tout amour. Lacroix nous propose son idée concernant la notion de l’amour en disant ce qui suit :
« L’amour ne rend pas aveugle mais clairvoyant, répétait Max Scheler trois siècles après Pascal. Ce qui, en effet, le caractérise avant tout, c’est sa pleine conscience de la personnalité de l’autre. Longtemps on n’a voulu voir dans l’amour qu’un mouvement plus ou moins désordonné de la sensibilité »[9].
La psychologie moderne décèle dans l’amour l’instrument le plus parfait de la connaissance d’autrui : c’est le sens de l’autre. Si la connaissance pure est le rapport sujet-objet, l’amour est le rapport sujet-sujet. Disons que ce que nous révèle en effet l’amour, c’est que nous ne sommes que par autrui et que le monde même n’existe que pour ceux qui sont à deux. A ce sujet : «  L’élément fondamental de l’amour déclare Jean Lacroix est le désintéressement, c’est-à-dire l’affirmation de la valeur absolue de celui que l’on aime : l’amour est un don de la volonté entraînant une subordination totale de la nature qui dépend de cette volonté »[10].
Le renoncement à toute satisfaction narcissique est donc la condition absolue de l’amour authentique. Au-delà de toutes les qualités périssables et changeantes, l’amour porte donc sur la personne elle-même : par opposition à la connaissance qui vise le général, il est la révélation de l’unique. Aimer ce n’est point se regarder l’un l’autre, mais regarder ensemble la même chose, avancer dans la même direction. Comme la personne est foncièrement vouée à l’amour, ainsi le but de l’amour est-il de constituer les personnes : ce ne sont pas les êtres singuliers qui produisent l’amour, mais l’amour qui les produit.

I.5. Conclusion partielle

Dans ce chapitre, il a été question d’expliquer les différentes conceptions de certains penseurs sur l’amour. Et nous nous sommes rendu compte que chacun l’a abordé à sa manière, mais tous essayent de privilégier l’idée de l’unité, de la complémentarité. L’amour véritable abolit toutes les séparations. Il nous apaise et il nous éclaire ; il établit l’unité dans notre âme en nous unissant avec un autre être et, par lui, avec tout l’univers. L’amour en définitive cherche dans un autre un complément qui le fasse être davantage. « L’être de l’amour déclare Lacroix est un être de relation, un « nous » dans lequel et par lequel se réalise, autant qu’il se peut, l’unité parfaite. Mais dans cette unité, chacun reste lui-même »[11].



[1] DIDIER JULIA, Dictionnaire de la philosophie, Larousse, Paris 2006.
[2] PLATON, Le Banquet- Phèdre, Garnier- Flammarion, Paris, 1964, p. 21.
[3] PLATON, Le Banquet- Phèdre,  22.
[4] L. LAVELLE, La Conscience de Soi, Grasset, Paris, 1933, p. 191.
[5]  LAVELLE, La Conscience de Soi, 193.
[6]  R.de Gourmont, cité par  P. BURNEY, L’Amour, P.U.F, Paris, 1973, p. 15.
[7]  BURNEY, L’Amour, p. 21.
[8]  TEILHARD de Chardin, cité par  BURNEY, L’Amour, 24.
[9] J. LACROIX, Les Sentiments et la Vie morale, P.U.F, Paris, 1952, p. 47.
[10]  LACROIX, Les Sentiments et la Vie morale, 48.
[11] LACROIX, Les Sentiments et la Vie morale, 49.

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