mardi 12 novembre 2013

SCIENCE : Travail de Fin de Cycle du Frère MICHEL LEMBE SdS


SCOLASTICAT BX JEAN XXIII
B.P.470 KOLWEZI /KATANGA
République Démocratique du Congo
 
Affilié à l’Université Pontificale Antonianum de Rome
 
 
 
 
 
 
 

LUNGAYI LEMBE Michel
 
 
 
L’UBRIS ET L’IMAGE DE DIEU DANS
LE PREMIER RECIT DE LA CREATION
 
 
 
Dissertatio ad Baccalaureatum
 
 
 
 
Moderator : Père Georges MBAYO
 
 
 
 
 
 
Kolwezi, 2013

 
 
SCOLASTICAT BX JEAN XXIII
B.P.470 KOLWEZI /KATANGA
République Démocratique du Congo
 
Affilié à l’Université Pontificale Antonianum de Rome
 
 
 
 
 
 
 

LUNGAYI LEMBE Michel
 
 
 
L’UBRIS ET L’IMAGE DE DIEU DANS
LE PREMIER RECIT DE LA CREATION
 
 
 
Dissertatio ad Baccalaureatum
 
 
 
 
Moderator : Père Georges MBAYO
 
 
 
 
 
 
Kolwezi, 2013


EPIGRAPHE
 
Et Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance… A l’image de Dieu, il LE créa homme et femme… » (Gn 1,26-28)
 
« Pourquoi tant de violence dans la Bible ? Pourquoi tant d’êtres violents au fil de ses pages ? Pourquoi son Dieu ne cède-t-il pas en rien aux humains sur ce plan ? » (A. Wénin, La Bible ou la violence surmontée p.19)
 
« L’humain achève en lui l’image de Dieu dans le mesure où, maîtrisant sa propre maîtrise de manière à en contenir la violence, il contribue à la création d’un monde pacifié, avec douceur qui est renoncement aux illusions de la surpuissance et ouverture dynamique à l’altérité » (A. Wénin, Pas seulement de pain, p.34).
 

 
 
 
DEDICACE
 
 
 
A vous chers parents, Barthélémy LEMBE LUBANGI et Félicienne MBU LUKONGO, pour nous avoir appris à confesser la foi catholique.
A vous les amis et connaissances pour vos soutiens tant matériels que spirituels
A vous tous,
 
 
Nous dédions ce travail
 
 
 

 
 
AVANT-PROPOS
 
Que soit béni Dieu notre Père, pour la force, l’intelligence et le courage qu’il nous a toujours donnés dans notre vie.
Nous témoignons de notre gratitude à toute la famille Salvatorienne (tous les fils et filles spirituels de Père Jordan), en particulier à la branche masculine, dont Père Paulin MONGA est supérieur provincial. Notre gratitude va aussi tout droit vers nos formateurs de la Maison Salvator de Tshabula, à savoir Père Emmanuel PANGANI, Père Didier LONGWA et Père Paul WEY. Nos remerciements sont aussi adressés à tout le corps professoral du scolasticat Bienheureux Jean XXIII pour la formation intellectuelle qu’il nous a donnée.
Nos remerciements s’adressent surtout au Père Georges MBAYO qui, malgré ses multiples occupations, a accepté de diriger ce travail. Que la bénédiction de Dieu l’accompagne au long de sa vie.
Nous pensons aussi à toute notre famille biologique et à toutes nos connaissances. Nous ne pouvons pas oublier tous les frères de la Maison de formation de Tshabula, en particulier les compagnons de lutte : Serge LUMBWE et Joseph SADIKI ; mais aussi tous les collègues de classe franciscains et spiritains.
 
 
Michel LUNGAYI LEMBE, sds.


 

INTRODUCTION GENERALE

 


S’investiguer dans la recherche de l’image de Dieu dans le premier récit de la création est un choix qui est motivé par la découverte criante de la violence dans le monde. Nous remarquons aujourd’hui qu’il y a tant de violence dans le monde : des guerres, des violences sexuelles, des injustices criantes, des tricheries, bref de l’Ubris. La violence paraît la solution à tout problème dans le monde : les pays se terrorisent mutuellement par l’enrichissement en uranium, la fabrication des armes.  L’Afrique devient un continent de bataille où les guerres ravagent la vie des populations. Nous y notons la destruction de certaines villes au profit de l’exploitation minière des investisseurs étrangers (cas de Kolwezi avec l’implantation des Mining où il y a la pollution de l’eau et surtout de l’air), les injustices sociales… Le monde semble être composé de l’Ubris.

Dans ces conditions, nous ne pouvons pas rester indifférent. C’est ainsi que nous nous sommes donné la peine de chercher une solution à ce problème.


Notre sujet est : l’Ubris et l’image de Dieu dans le premier récit de la création. Que signifie Ubris ? C’est un terme grec qui signifie : bouillonnement interne, pulsion, violence, viol, guerre, massacre, destruction, … Et l’image de Dieu ? Ce concept image de Dieu est tiré du premier récit de la création de la phrase : faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance (Gn 1, 26-27), à l’image de Dieu il le créa homme et femme. Suivant nos investigations, l’image de Dieu qui se dessine dans le premier récit de la création est un Dieu douceur, un Dieu qui maîtrise sa propre maîtrise. Etant donné que l’affirmation : l’homme est créé à l’image de Dieu (Gn 1, 26), n’est pas une possession, mais une acquisition, une vocation, l’homme doit donc dans ce sens, imiter cette image de Dieu, pour devenir à son tour maîtrise de sa maîtrise, douceur. Dans ce sens, comme il est l’acteur de la violence dans le monde, il y sera acteur de la non-violence. Il saura ainsi maîtriser sa nature violente et produira de la lumière dans un monde obscurci par la violence.


Il nous semble que ce terme ύβρίς exprime d’une certaine façon ce qu’est l’impact de l’activité humaine dans le monde. Dans le registre de ses actions, on trouve le vol, le viol, la guerre, la destruction méchante,… toutes ces actions peuvent être comprises sous le concept d’ύβρίς.

Mais dans notre parcours de formationthéologique nous avons été saisi par cette phrase : « l’homme a été créé à l’image de Dieu ». Cette phrase nous la trouvons dans le premier récit de la création (Gn 1, 26-27). Mais que veut dire « être créé à l’image de Dieu ? ». Dit de manière un peu précipitée, nous affirmons que  tout homme est imbu de l’ύβρίς. Serait-ce cet ύβρίς qui fait que l’homme soit créé à l’image de Dieu ? Point n’est besoin de se voiler la face devant l’action humaine dans ce monde. Elle est caractérisée par des grands progrès pour l’humanité sur plusieurs plans. Des progrès scientifiques ont amélioré considérablement la vie de l’homme : sa santé est mieux entretenue et « prolongée » ; beaucoup de facilités dans l’exercice de ses activités. Il produit plus et en peu de temps. Son action par rapport aux siècles passés a remarquablement amélioré son mode de vie. Notre intention n’est pas d’énumérer toutes les avancées qu’il a pu réaliser, mais de constater qu’il y a aussi des choses dans sa vie qui n’ont bougé d’un seul millimètre. C’est entre autre la destruction méchante qu’il réalise dans ce monde. L’homme est, depuis les origines, non seulement capable mais souvent auteur de vol, viol, guerre, tuerie, tricherie… Sur ce plan, il n’est quasiment pas différent de l’homme du premier ou du cinquième siècle.

Il est vrai que ce n’est pas  chaque personne qui pose ces actes dans son existence quotidienne. Mais ces actes semblent bien une constante dans la vie humaine de tous les siècles. Sommes-nous en droit de nous poser des questions là-dessus ? Quel rapport, si rapport il y a, existe-t-il entre cet aspect de la vie humaine et l’image de Dieu dans le premier récit de la création dans le livre de la Genèse ? C’est cette question quifera la problématique de notre travail.


Wénin affirme que la Bible nous présente les images de Dieu à interpréter par l’homme dans le quotidien de sa vie. Dans ce sens, parler de l’image de Dieu dans la Bible devient une question vaste, car la Bible est composée de plusieurs livres. Il convient alors de délimiter notre travail. Nous parlerons de l’image de Dieu dans le premier récit de la création. Ce récit dans la Bible est situé dans le livre de la Genèse. Il va précisément de Gn 1, 1 jusqu’à 2, 4.

Nous justifions cette péricope de la manière que voici :

-           Le début du texte : le texte commence par la phrase : Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre….. Le choix de ce début est motivé par : le fait que le récit est situé au début de la Bible et donc, il n’y a aucun récit qui le précède, mais aussi par son début par le terme au commencement. Ce terme montre qu’il s’agit bien d’un début de ce qui suit.

-           La fin du texte : le récit finit par : telle est la naissance du ciel et de la terre. Cette conclusion confirme le début du récit dont l’intention est de présenter la création du ciel et de terre. Cette fin est aussi justifiée par le texte qui suit. En effet, le verset 5 de ce chapitre, commence par : le jour où le Seigneur Dieu fit la terre et le ciel… Cette formule montre que c’est une autre péricope qui commence. Mais aussi dans la suite avec le changement de personnage, de style, nous comprenons vite que c’est un autre récit.


Pour nos investigations, nous avons exploité plus exploité les deux livres d’A. Wénin : La Bible ou violence surmontée et Pas seulement de pain.

Dans notre travail, nous avons utilisé la méthode de l’analyse narrative. Cependant, la méthode historico-critique a été aussi quelques fois utilisée à certaines parties de notre travail.


Hormis cette introduction générale, notre travail se subdivise en trois chapitres. Dans le premier chapitre il sera question de l’étude de l’Ubris dans le monde et ses conséquences. Le deuxième chapitre traitera de l’analyse narrative du premier récit de la création et la découverte de l’image de Dieu maîtrise de sa maîtrise. Le troisième chapitre traitera des implications de cette image dans la violence du monde. Enfin, une conclusion générale terminera notre travail.


 



Dans le monde d’aujourd’hui, nous constatons à travers les médias, dans les rues et dans les cités une violence exagérée. Régulièrement, nous suivons à la Télévision, à la Radio des informations qui parlent de la violence : des guerres, des attentats avec destruction des bâtiments, des violences sexuelles, de la pédophilie, des avortements… Dans des écoles et dans des universités, nous remarquons un slogan : PST : points sexuellement transmissibles pour parler de la corruption qui passe à travers des relations sexuelles. Dans cet état des choses, on se demande si le monde n’est que de la violence.

Chez nous en RDC, chaque jour l’on nous parle au journal télévisé d’un certain nombre des gens qui sont morts à l’Est dans la guerre. Tout ce que nous suivons montre en fait que l’homme est violent. Et pourtant dans le premier récit de la création il est affirmé que : l’homme est créé à l’image de Dieu (Gn 1, 26-27). Serait-ce cet agissement qui refléterait l’image de Dieu ?

 



a. Au cours de l’histoire

Si nous interrogeons l’histoire du monde, nous remarquons que de l’Antiquité jusqu’à l’époque actuelle (que d’aucuns nomment la post-modernité), il y a une histoire pleine de violence : des guerres, des violences sexuelles faites aux mineurs, aux femmes, des destructions méchantes de certains patrimoines publics, des régimes politiques de dictatures, … C’est dans ce sens que Schootyans, quand il s’agit des multinationales, parle « d’un système qui ruine la vie politique, détruit en sa racine tous les corps intermédiaires, musèle la société civile, intronise un volontarisme juridique totalitaire d’extension mondiale »[1]. A Jean Marie Lustiger d’ajouter : « Notre civilisation joue avec la violence et la mort »[2].

L’histoire du monde évolue dans la logique du « grand domine ». C’est un peu comme aujourd’hui, où c’est celui qui a un armement fort qui domine les autres et peut en faire le marchepied de son trône. Une civilisation devient grande après la conquête de plusieurs territoires à travers des batailles quelques-fois sanglantes en cas de résistance de l’adversaire. La guerre engendre naturellement d’autres conséquences méchantes : le viol, la destruction méchante des infrastructures, des tueries des innocents généralement.

1. La Révolution Française : elle est elle-même fruit d’un système politique désastreux, des inégalités sociales et fiscales, d’une crise économique, des réflexions philosophiques. Bref, elle est fruit de la violence. Parmi les conséquences qui en sont ressorties : la suppression de la compagnie de Jésus qui jouait un rôle important dans l’Eglise et le vote des lois anticléricales qui dépossédaient l’Eglise de ses droits ; les rois étaient guillotinés.

2.  La Première Guerre Mondiale :

De 1914 à 1918, nous avons : « quatre années de combat sanglant et de destruction »[3]. Ces années auront mis aux prises 65 millions de combattants faisant parmi eux 8 millions de morts auxquels s’ajoutent des millions de victimes civiles. Cette guerre sera plus ou moins dépassée avec les traités de paix, mais fort malheureusement, elle reprendra vers la fin des années 39 jusqu’en 1945 comme seconde guerre mondiale.

3.  La seconde Guerre Mondiale :

Adolphe HITLER et le nazisme nous conduisent à l’exaltation de la race allemande sur les autres races. Ils proclament aussi la primauté de la nation sur l’homme. Adolphe HITLER« engage une persécution systématique contre les organisations confessionnelles et contre la presse catholique »[4]. Les nazis multiplient des violences sexuelles, des tueries, bref un déchainement de la violence. Cette guerre finit grâce aux efforts depaix avec la création de l’Organisation des Nations Unies contre des guerres.

4. Les guerres en Afrique :

L’Afrique a été victime au 16e siècle de la traite des noirs par laquelle les africains n’étaient non seulement pasvendus aux blancs à de vils prix (un sac de sel pour autant d’hommes), mais aussi soumis à des travaux lourds avec fouet.

Depuis 1885 avec la Conférence de Berlin, l’Afrique était partagée entre les colonisateurs. Les limites des frontières d’Afrique sont : « Le fruit des négociations où n’entraient nullement en compte les formations ethniques en place c’est ainsi que les anciennes entités politiques ont été dispersées »[5]. Ce qui a engendré des conflits tribaux qui sont vécus jusqu’aujourd’hui.

5. Les conflits armés en RDC :

Depuis un temps, la RDC vit dans une forte crise ; elle est le théâtre de plusieurs conflits armés. D’abord nous notons la guerre de libération amorcée par Mzee Laurent Désiré Kabila contre la « dictature » du Maréchal Mobutu. Ce dernier a été au pouvoir pendant 32 ans soutenu par un parti politique : le MPR. Pendant son règne, nous noterons : la guerre de Kolwezi en1977. Il y a eu mort de beaucoup de personnes. Pendant ces années de dictature du Maréchal, il y avait aussi les conflits tribaux en particulier celui Katangais-Kasaïens.

A la prise du pouvoir de Kabila père, il y a eu un petit temps d’accalmie. Les hostilités ont repris quelques mois après avec la guerre d’agression du Rwanda contre la RDC. Depuis lors il n’y a que des guerres qui se succèdent pour des intérêts privés. Le nombre des morts est évalué aujourd’hui à plus ou moins 5 millions de Congolais, sans compter les destructions des bâtiments, des violences sexuelles dont sont victimes les femmes, des pillages des matières premières, des enfants sans logement ni éducation, ….

Après ce constat, il y a lieu de se demander si c’est la violence qui est l’image de Dieu que l’homme doit imiter dans sa vie sur la terre. Comme si cela ne suffisait pas, cette violence est aussi remarquée dans la relation de l’homme avec les innocents.

b. Dans ses relations avec les êtres innocents

Le pape Jean-Paul II a affirmé à ce sujet que : « le problème des menaces contre la vie humaine dans notre temps a fait l’objet du consistoire des cardinaux (…). Les cardinaux m’ont demandé de réaffirmer l’inviolabilité de la vie humaine »[6]. Le Pape a  remarqué qu’il y a aujourd’hui des êtres humains faibles et sans défense qui sont bafoués dans leur droit fondamental à la vie, en particulier les enfants encore à naître.

Les avortements et les bébés éprouvette sont une atteinte violente à l’endroit des innocents. En effet, le fœtus n’a pas de statut juridique selon certains qui le considèrent comme une partie de la femme. Celle-ci, pour une raison ou une autre, peut l’évacuer selon sa volonté. Il existe aujourd’hui des hôpitaux réputés abortifs qui accueillent toutes celles qui ont la volonté d’avorter en leur prescrivant des médicaments qui les aident à le faire facilement. Avorter, c’est quand même tuer un être ! C’est une violence qui serait comparable à une tuerie armée.

Une autre difficulté que le monde actuel nous présente, c’est celle de la pédophilie ou abus sexuel aux mineurs. Au journal télévisé, nous ne manquons pas de suivre des informations sur les cas de ce genre. Les enfants, garçons ou filles, sont victimes de ces actes violents. L’Eglise catholique en a payé très cher, car ses pasteurs ont été auteurs de ces actes malheureux.

Cette violence humaine se constate même dans la façon de traiter la nature.


Du point de vue de la relation entre l’homme et la nature, nous notons aussi de la violence. Deux tendances se dessinent : la première qui condamne l’homme, affirme que : « l’homme est à l’origine de la catastrophe par sa conduite écologique inconsidérée, il entraîne l’humanité toute entière dans le chaos »[7]. Et la seconde qui innocente l’homme affirme que la catastrophe est dans l’ordre de la nature, elle réside en ses lois. Ce que nous vivons aujourd’hui était déjà prévu depuis 8000 ans.

Selon la première tendance, on peut expliquer le déluge, la destruction de Sodome et Gomorrhe, la sécheresse à l’époque d’Elie comme les conséquences du péché de l’homme. L’homme dans sa toute puissance semble maîtriser la nature, ainsi, il la traite à son gré, oubliant qu’il est aussi une nature. La nature maltraitée par l’homme, réagit sur lui. Par conséquent, ce n’est que par un retour à l’ordre moral que la situation va s’améliorer.

Qu’est-ce que la nature ? C’est l’animal, le végétal et le minéral que l’homme utilise à son gré pour satisfaire ses besoins.

Benjamin Kayeu définit la crise écologie comme : « les actes destructifs de l’homme à l’égard de la nature, de la cruauté humaine envers l’écosystème qui se solde par un déséquilibre environnemental »[8]. L’environnement dont il parle est celui du sol, du sous sol, de l’eau et l’environnement aérien. Cette situation est une réalité dans certains coins de Kolwezi où l’exploitation artisanale a pollué toutes les rivières, l’air et donc, tous les êtres qui y habitent aussi.

Pour Laurent Larcher, l’écologie a un lien avec une croyance en une divinité qui, à son tour, engendre une espérance en un avenir après la mort chez les croyants. Ainsi, la destruction environnementale : « réunit ceux qui n’ont aucune perspective après la mort »[9]. Pour dire que le mauvais traitement de la nature est lié à un égoïsme criant de l’homme face à d’autres créatures, mais aussi et surtout au manque d’une croyance en un avenir au-delà de la mort. Car le propre d’une croyance est de faire de la vie une réalité éternelle. Et cette situation crée souvent une angoisse chez l’homme qui s’imagine sans avenir après la mort.

Après ce tour d’horizon, nous avons l’impression que la vie est faite de la violence. Et c’est l’homme à qui Dieu a donné la responsabilité du monde dans le livre de la Genèse qui en est l’acteur. Cette situation devient encore grave quand cette violence s’observe dans la Bible au point qu’on parle même des pages déconcertantes de la Bible.


André Wénin se pose ces questions : « Pourquoi tant de violence dans la Bible ? Pourquoi tant d’êtres violents au fil de ses pages ? Pourquoi son Dieu ne cède-t-il pas en rien aux humains sur ce plan ? »[10].

Selon laConcordance de la TOB, les termes exprimant la violence sont très nombreux dans la Bible TOB : le terme violence est compté 80 fois, violer : 28 fois, violent : 38 fois, guerre : 217 fois, guerrier :60 fois, combattre :170 fois, combat : 182 fois, tuer :110 fois, pour ne compter que ces mots.

C’est un fait que la Bible est pleine des scènes de violence qui dérangent même le lecteur qui a les lunettes d’un Dieu miséricordieux, patient, tendre, gentil, bref, un Dieu Amour et capable de risquer avec un homme pécheur et infidèle. A cause de cela, d’aucuns voudraient que les croyants renvoient les livres du premier Testament aux oubliettes avec certains autres du Nouveau Testament du même genre. En effet, se demandent-ils, à quoi serviraient ces livres qui apprennent la violence aux hommes ? Et pourtant, ces livres sont d’une manière ou d’une autre indispensables pour comprendre la Bible en général et le premier Testament en particulier.

Marcion a rejeté le premier Testament en affirmant que : « Le Dieu qu’ont annoncé la Loi et les Prophètes est un être malfaisant, aimant la guerre, inconstant aussi dans ses jugements et en contradiction avec Lui-même »[11].

Dans la Bible même, nous trouvons le récit sur Caïn, qui tua son frère Abel par jalousie,parce que Dieu se tourna vers l’offrande du frère cadet. (Gn 4, 1-8).

Le récit du déluge est une scène de violence qui présente Dieu comme destructeur du monde qu’il a créé (Gn 6, 1-ss).

Dans le livre de l’Exode, on signale la souffrance du peuple juif en Egypte, à l’époque du Pharaon qui ne connut pas Joseph : « ces hébreux, lointains descendants d’immigrés araméens, avaient été soumis à un dur esclavage pour réaliser les projets de construction de la XIXè dynastie des Pharaons »[12] (Ex 1, 8-ss). Il convient de signaler avec Osty et Trinquet que « ce n’est pas la totalité du peuple qui séjourna en Egypte »[13]. Notons aussi toutes les souffrances dont Pharaon a été victime de la part de Moïse (ou les dix plaies d’Egypte) (Ex 6-11). Notons également des réactions méchantes de la part de Dieu : des égyptiens qui poursuivaient le peuple d’Israël, il les engloutit dans la mer rouge. On le voit participer activement dans ce cas à la mort des égyptiens.

Le livre de Josué est lui aussi plein de violence. Nous y notons toutes les batailles du peuple juif contre les peuples cananéens : les Hittites, les Hivvites, les Perizzites, les Guirgashite, les Amorites et les Jébusites. Quand il s’agissait de la conquête d’Ai, Josué donna l’ordre aux émissaires de détruire la ville dès qu’ils en auraient la possession (Jos 8, 1-30). Il tua les cinq rois de Maqqeda (Jos 10, 16-27).

Dans le livre des Juges, le peuple d’Israël est plusieurs fois victime des attaques extérieures après l’installation en Canaan. Cette situation, à en croire les Ecritures, est une réaction de Dieu face à la désobéissance de ce peuple à sa loi. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre le refrain qui encadre ce livre : le peuple d’Israël fit ce qui est mal aux yeux du Seigneur …. La colère du Seigneur s’enflamma contre Israël … Tour à tour les Philistins, les Madianites, les Ammonites, … attaquent le peuple élu et le rend esclave après une guerre sanglante. Chaque fois, Dieu suscite un Juge comme défenseur, qui, parfois, est obligé d’engager à son tour  une guerre pour défendre son peuple : c’est le cas de Gédéon et Abimelek avec l’oppression madiante (Jg 6-9), c’est aussi le cas de Samson et la victoire sur les Philistins (Jg 13-16).

Dans le livre de Samuel, nous notons la guerre de David contre Goliath (1 Sam 17). David lui-même fit beaucoup de conquêtes : « la conquête fut définitivement achevée sous David, qui, en l’an 1000, prenait Jérusalem et en faisait la capitale »[14]. Malgré sa fidélité à Dieu, il tua Urie le Hittite pour lui prendre sa femme Bethsabée (2 Sam 11, 1-26).

En réalité c’est pour de raisons politiques et la soif du pouvoir que le Royaume se partage entre les fils de Salomon. Ces deux Royaumes se retrouveront en exil à cause de leurs péchés. On constate chez eux :

« L’adoption des noms babyloniens, leur calendrier devient celui des babyloniens, l’hébreux est progressivement abandonné pour être remplacé par le babylonien, quelques-uns ont perdu le goût de la patrie. A la vue des liturgies splendides et des processions des divinités païennes, ils se posent la question : YHWH n’a-t-Il pas été vaincu avec son peuple ? »[15].

Pendant l’exil, le peuple juif a connu beaucoup de souffrances, non seulement il a perdu son temple, lieu de prière et des sacrifices, mais aussi, sa terre : ceux qui sont restés dans la captivité là-bas dans la province sont dans un grand malheur et dans la honte,  le Murail de Jérusalem a des brèches et ses portes ont été incendiées (Esd 1, 1-ss).Il devient ainsi étranger à sa culture sous la domination des babyloniens. Il eut fallu attendre le règne de Cyrus, à l’époque perse pour qu’à travers son édit, le peuple puisse retourner chez lui.

Tous les prophètes se plaignent contre le mauvais comportement du peuple. Chez certains comme Jérémie et Isaïe, ce comportement est à la base de l’exil vers les pays où il y a la souffrance. Jérémie par exemple, reproche à ses contemporains : « le culte des faux-dieux, les injustices des grands et les modes étrangères. Mais en même temps, il voit dans le péché, à cause de l’orgueil et du manque de foi qu’il recèle, une atteinte personnelle à Dieu »[16].

Job, c’est l’exemple d’un juste souffrant atrocement, au point qu’il maudit même le jour de son apparition sur la terre (Jb 3, 1-26). Il n’a pas perdu confiance en son Dieu (Jb 6, 1-ss). Mais Dieu lui-même semble participer comme commanditaire à la souffrance de Job qui n’était pas mauvais à ses yeux (Jb 1, 6-12).

Les psaumes sont constitués des actions de grâce, des prières, des cantiques de la montée vers Jérusalem, des cantiques historiques, des cantiques didactiques, cantiques prophétiques et eschatologiques, des cantiques de confiance en Dieu, mais aussi des cantiques de supplication ou des plaintes et des cantiques imprécatoires. Ces derniers occupent une grande partie du livre. A propos des psaumes de plainte, J. GELINAU et TH. CHIFFLOT affirment que : « Des supplications ou psaumes de souffrance sont collectives ou individuelles selon qu’on fait parler le peuple en détresse ou un simple membre de la communauté »[17]. Nous notons des paroles des gens en détresse telles que : Jusqu’à quand YHWH, m’oubliera-tu ? (Ps 13, 1) ; au secours, YHWH, il n’y a plus d’homme fidèle (Ps 12) ; écoute YHWH, sois attentif à mon cri (Ps 17) ; mon Dieu mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné (Ps 21) ; accuse Seigneur mes accusateurs, assaille mes assaillants (Ps 35) ; Dieu, ils sont venus, les païens, dans ton héritage, ils ont souillé ton temple sacré (Ps79). Souvent dans ces psaumes : « le patient lance un appel vers Dieu et décrit les maux qui l’accablent (…) il demande à Dieu d’être clément et lance les malédictions sur ses ennemis »[18].

Esther a su maitriser le roi grec, en livrant dans un banquet qu’elle organisait,  le premier ministre Hamann à travers la ruse. Celui-ci fut tué et c’est son oncle qui prit sa place. Par sa ruse, elle a su obtenir du roi le droit de la défense juive en cas d’attaque. Et les juifs ont ainsi massacré la tribu d’Hamann qui voulait les exterminer. C’est donc une preuve que la violence est en train de créer une autre violence plus grave.

Le livre des Maccabées est aussi appelé le  livre des martyres d’Israël. Et d’ailleurs, Maccabée signifie marteau, parce qu’il descendait sur ses ennemis comme un marteau. Dans ce livre est racontée la persécution atroce qu’ont connue Juda Maccabée et ses frères lorsqu’ils refusaient d’adorer les faux-dieux sur l’ordre d’Antiochus Epiphane et son fils Eupator. Ces juifs ont été tués violemment  à cause de leur désobéissance au roi.

Dans les Evangiles, en particulier celui de l’enfance chez Matthieu, nous observons le massacre des saints innocents par Hérode lorsqu’il entend parler de la naissance de Jésus (Mt 2, 1-ss). Les Evangiles nous présentent aussi la mort atroce de Jésus sur la croix (Jn 18, 1-ss).

Dans l’Eglise primitive, nous notons les persécutions des chrétiens racontées dans les actes des apôtres (Ac 4, 1-ss ; 5, 17-ss ; 6, 8-15 ; 7, 54 ; 12, 1-18). C’est ainsi que Paul dans ses épitres exhorte souvent les chrétiens à rester fidèles à Jésus malgré les persécutions  dont ils sont victimes.

L’Apocalypse de saint Jean est un livre qui présente des images qui, quelques fois, font peur : les sept fléaux des sept coupes (Ap 15, 1-16, 17) ; l’extermination des nations païennes (Ap 19).

Après ce survol dans la Bible, nous remarquons qu’elle est pleine deviolenceau point que « Les chrétiens sont souvent gênés par des pages violentes des deux Testaments de la Bible »[19].


Le terme ύβρίς est un terme grec. Selon A. Bailly, ce terme signifie :

- Tout ce qui dépasse la mesure, l’excès : c’est le cas par exemple de l’orgueil, de l’insolence ; au pluriel ύβριζει  signifie pensées, actions orgueilleuses.

- C’est le cas aussi de la fougue, de l’ardeur excessive, de l’emportement, de l’impétuosité, c’est un dépassement de la mesure lorsqu’on se laisse emporter par la violence. C’est aussi le bouillonnement ou la fermentation de vin ; c’est également l’outrage sur une femme ou sur un enfant ; c’est porter des dommages et des dégâts.

- De là vient le terme grec ύβρίτης (UBRITES) qui signifie : violent, fougueux, impétueux ; et le terme ύβρίστος (UBRISTOS), qui signifie : traitement outrageux ; ύβριστικος (UBRISTIKOS) qui signifie porter à excès, qui s’abandonne à des excès. Le terme ύβρίς, exprime aussi l’intérieur qui s’extériorise dans la destruction méchante. Ce terme exprime mieux quelque chose qui commence par l’intérieur, c’est-à-dire une violence préméditée, qui s’exprime àl’extérieur.[20]

 


Nos analyses dans ce qui précède montrent que l’ubris semble caractériser le monde. La Bible elle-même semble prendre du plaisir à présenter de l’ubris. Le Dieu de la Bible, surtout dans le premier Testament, se présente dans plusieurs passages comme pratiquant de l’ubris. Et pourtant, selon Wénin, la Bible présente les images de Dieu que l’homme doit imiter, parce qu’il est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Sommes-nous en droit de dire que l’image de Dieu que la Bible présente est l’ubris ? Essayons d’analyser le premier récit de la création pour en découvrir l’image de Dieu qui s’y présente.

 


 



Dans ce chapitre, nous parlerons des influences subies par l’auteur du premier récit de la création ; nous découvrirons le contexte historique du peuple juif ; nous essaierons ensuite de faire une analyse narrative de tout le texte et enfin, nous découvrirons l’image de Dieu dans ce récit.


Dans la Genèse nous avons deux récits de la création : le premier qui présente la création en sept jours et le second, qui présente la création avec une explication particulière de l’origine du péché. Selon Larcher, le premier récit dans l’ordre du temps, c’est-à-dire celui où il y a une explication de l’origine du péché est issu de la Mésopotamie et le second, où Dieu crée par la parole viendrait du Nord : « sans doute dans le milieu des prêtres et après l’exil (vers la fin du 5è siècle) »[21]. En effet, le texte est plus métaphysique que le précédent. Dieu crée l’univers et les grands ensembles qui le composent par la parole (le λόγός). Une fois le monde ordonné, il le peuple d’animaux…. et enfin de l’Humain : l’homme et la femme. Pour Larcher, le premier récit (celui de la tentation par le serpent et l’origine du péché) est de la Tradition yahviste et le second (celui de la création par la parole), de la Tradition Sacerdotale. Mais nous utiliserons dans notre travail l’ordre de la Bible.

Grelot affirme qu’il y a des ressemblances entre les deux textes, voire des signes de continuité entre eux[22].


« Quand l’historien sacerdotal entreprend son récit qui va nous mener des origines du monde au temps où Israël vit au désert, quatre siècles sont passés. Le peuple est exilé à Babylone, la grande cité où l’on célèbre le dieu Mardouk. Il y est sans cesse en contact avec tous les mythes mésopotamiens qui racontent comment les dieux ont créé le monde »[23].

En réaction contre ces mythes, pour soutenir ses frères dans leur foi et aussi préparer la restauration après la libération attendue, un acteur inspiré écrit le premier récit de la création (Gn 1,1 – 2,4a). Il connaît bien celui de l’auteur yahviste, mais il n’en reprend pas les aspects dramatiques. Voyons maintenant les influences subies par l’auteur du premier récit de la création.

Les juifs ont été marqués par l’optimisme égyptien qui affirmait que le soleil était le dieu des dieux ; il réapparaît chaque matin, il est vainqueur des puissances de la nuit. Et d’ailleurs, selon E. Charpentier, le tempérament égyptien est naturellement optimiste, au contraire, la mentalité mésopotamienne dans son ensemble est pessimiste[24].

Observons maintenant quelques écrits des peuples de l’Orient qui ressemblent drôlement à quelques textes de la Genèse particulièrement au premier récit de la création.

·         L’épopée d’Atra-Hasis (Babylonien) est drôlement ressemblante aux récits de la création et à celui du déluge. Cette épopée  nous présente les dieux qui sont fatigués par toutes les corvées, et qui décident de créer l’homme pour faire le travail ; ils le modèlent avec l’argile mélangée avec du sang d’un dieu égorgé. Mais l’humanité fait du bruit, fatigue les dieux qui lui envoient différents fléaux et finalement, le déluge. Mais le dieu Ea avertit un homme qui construit un bateau, y fait monter sa famille et un couple de tous les animaux.

 

·         Le poème Enouma Elish : ce poème subsiste en assez bon état sur sept tablettes et plusieurs copies. Il raconte qu’au début de tout, il y a deux principes sexués : Apsou, les eaux douces et Tiâmat (dont on retrouve le nom dans le Tehôm-l’abîme de Gn 1, 2), les eaux salées de la mer. De là sortent tous les dieux. La généalogie des dieux montre, d’un côté, les plus vieux, ceux de l’univers chaotique, et de l’autre, les jeunes dieux, d’où proviendra l’univers organisé. Les seconds gênent le repos des premiers et Tiâmat décide de détruire sa progéniture : elle crée dans ce but des monstres redoutables et fait de Kingou le chef de cette armée. Les jeunes dieux délèguent leur pouvoir à Mardouk, fils d’Ea. La tablette IV décrit le combat de Mardouk contre Tiâmat et ses monstres : « Mardouk assura son emprise sur les dieux enchaînés et revint vers Tiâmat qu’il avait vaincu. De sa masse inexorable, il lui fendit le crâne. Apaisé, le Seigneur contempla le cadavre de Tiâmât : du monstre partagé, il voulait tirer un chef-d’œuvre. Il le fendit en deux comme un poisson séché ; il en disposa la moitié pour faire la voûte des cieux, traça la limite, installa des gardes et leur enjoint de ne pas laisser sortir les eaux » (IV, 127-140). On assiste alors à la mise en place du ciel et du monde divin, dont Mardouk détermine les règles. Mais comment les dieux vont-il être servis ? C’est alors qu’intervient la création de l’homme : « Mardouk en entendant l’appel des dieux, se résolut à créer un chef-d’œuvre. Je veux faire un réseau de sang, former un être dont le nom sera : l’homme. Oui je veux créer un être humain, un homme ! Que sur lui repose le service des dieux, pour leur bien être ! Ea se charge de la réalisation de ce travail. Kingou, chef des dieux révoltés, est donc immolé pour fournir son sang, si bien que l’homme a dans ses veines le sang d’un dieu déchu : Ils l’enchaînèrent et le tinrent devant Ea ; ils lui infligèrent son châtiment en tranchant ses veines. De son sang, Ea créa l’humanité ; il lui imposa le service des dieux pour les en libérer. Après qu’Ea, le sage, eut créé l’humanité et lui eut imposé le service des dieux, œuvre supérieure à toute intelligence qu’accomplit Noudimoud grâce aux artifices de Mardouk, Mardouk, roi des dieux, divisa l’ensemble des Announaki en dieux d’en-haut et dieu d’en-bas, et il chargea Anou de veiller sur ses ordres… dans les cieux et la terre, il établit six cents dieux (VI, 1-10, 31-44). ainsi, on voit que l’homme n’est pas seulement le sujet et l’esclave des dieux, qu’il sert par son culte, mais le jouet des Puissances cosmiques qui font peser sur lui une fatalité inexorable.

 

·         L’épopée de Gilgamesh : Héro de Sumer, Gilgamesh se rend insupportable aux dieux par son orgueil. Ceux-ci lui suscitent un rival, Enkidu, un monstre vivant avec les bêtes. Humanisé par une femme, il devient ami de Gilgamesh et tous deux accomplissent des exploits. Mais un jour Enkidu meurt, Gilgamesh découvre l’atrocité de la mort et il part à la recherche de l’immortalité. Le héro de déluge lui donne le secret de la plante de vie. Gilgamesh réussit à s’en emparer, mais un serpent la lui dérobe, Gilgamesh doit se résigner à mourir[25].

 

 

Les peuples de la Mésopotamie avaient élaboré des représentations très diverses pour évoquer les origines du monde. La société des dieux imaginée sur le modèle de celle des hommes y jouait naturellement un rôle actif.

« L’optimisme sumérien donnait une place essentielle au thème de la fécondité divine, modèle et source de la fécondité humaine : les diverses catégories d’hommes étaient en quelque sorte procréées par la grande déesse Ninmah »[26]. Mais les dieux étaient aussi responsables des principes mauvais introduits ici-bas.

Nous remarquons que le deuxième récit de la création et celui du déluge ressemblent à l’épopée d’Atra-Hasis. Si dans l’épopée d’Atra-Hasis l’homme est créé à partir de l’argile,dans le deuxième récit de la création, l’homme est créé à partir de la poussière. Et, comme dans l’épopée d’Atra-Hasis,  dans le premier récit de la création, Dieu  place l’homme dans le jardin d’Eden pour travailler le sol. Le fléau qui est envoyé à l’homme quand il fait du bruit et les couples de chaque espèce et la famille qui montent dans le bateau ressemblent au récit du déluge dans le livre de la Genèse : c’est ainsi que Noé a agi au moment de ce fléau.

Le poème Enouma Elish ressemble drôlement au récit sacerdotal. En effet, les sept tablettes correspondent aux sept jours de la création. Le chaos primitif ou téhôm ressemble à Tiamat (les eaux salées). Dans tous les deux récits, il y a création des monstres redoutables, de l’homme, même si dans le récit d’Enouma Elish, l’homme est créé pour le service des dieux et dans celui de la Bible, il est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu pour continuer l’œuvre commencée par ce dernier. Dans tous les deux récits, il y a séparation des éléments pour faire le ciel et la terre.

Le serpent qui trompe Gilgamesh ressemble à celui du premier récit de la création.


La foi essentielle du peuple juif est dans le shema Israël, écoute Israël le Seigneur est UN (Dt 6, 4). C’est la clé par laquelle, les mythes d’Israël restent malgré toutes ces influences, uniques et différents des autres écrits de leur milieu environnant. Dieu s’est révélé à Israël au désert comme un Dieu unique. Cette pensée influence toute la vie d’Israël malgré les influences des traditions de certains peuples de son entourage. C’est cela même la position de Hans Wildberger quand il dit : « Avec la merveilleuse délivrance du peuple juif tenu en esclavage au pays des pharaons, l’alliance conclue sur le mont Sinaï est devenue l’une des pierres d’angle de la foi d’Israël »[27]. Et le travail des prophètes n’est que celui du rappel de l’Alliance. Cet élément est donc très important dans la vie et la foi d’Israël.

Après avoir découvert le contexte dans lequel l’auteur sacré du premier récit de la création a écrit et les influences qu’il a subies, faisons maintenant une analyse narrative du texte.


Paul Beauchamp a fait un inventaire des formules-cadres des six jours dans son livre intitulé : Création et Séparation. Il distingue dans le premier récit de la création  des :

1.      Annonces du commandement : « Et Dieu dit » est présenté 10 fois : vv. 3.6.9.12.14.20.24.26.28.29 ;

2.      Paroles de commandement : « Que soit, que soient » : six fois : vv.3.6 (bis).14 (bis).15 ; « Que s’assemblent » : v.9 ; « Qu’apparaisse » v.9 ; « que verdoie » : v.11 ; « Que foisonnent » v.20 ; « Que vole » : v.20 ; « Que produise » : v.24 ; « Que commandent » v.26 ; « Faisons » : v.26 ;

3.      Formules d’accomplissement :                              

                « lumière » : 1 fois v.3               

Et fut : {

                  « ainsi » : 6 fois vv.7.9.11.15.24.30

4.      Actes d’exécution : « Et Dieu fit » : trois fois : vv.7.16.25 ; « Et Dieu mit » : une fois : v.17

5.      formules d’appréciation :

                   « la lumière : que bonne » 1 fois v.4

Dieu vit :    « que bon » 5 fois : vv.10.12.18.21.25

                               « tout ce qu’il a fait et voici très bon » : 1fois v.31

6.    Paroles subséquentes : « Et Dieu appela » : 5 fois vv.5 (bis).8.10 (bis) ; « Et Dieu bénit » : 2 fois vv.22.28 ;

7.      Mentions du jour :

                                                      « un jour » 1 fois v.5

« Et fut le soir et fut le matin » :      « n° jour » 4 fois vv.8.13.19.23

                                                       « le sixième jour » 1 fois v.31

Cependant quelques particularités sont à noter : au verset 28 avec la formule augmentée : Dieu les bénit et Dieu leur dit ; nous remarquons aussi que la formule Et Dieu sépara n’est pas l’exécution d’un commandement antérieur dans le v.4 ; la formule Et la terre produisit est la seule de cette catégorie à n’avoir pas Dieu pour sujet. Dans quelle logique les objets sont-ils créés ?

Paul Beauchamp découvre que c’est dans la logique immeuble-meuble que les objets sont créés dans le premier récit de la création : « Dieu a d’abord créé les éléments par séparation à partir du chaos, puis les a garnis d’habitants, qui sont leur armée »[28]. Ce principe se trouve exprimé dans la formule classique de l’opus distinctionis et l’opus ornatus qui encadre les six jours de travail tels que présentés dans le récit, comme l’Exode l’exprime : en six jours Adonaï a fait les cieux et la terre et la mer et tout ce qui est en eux (Ex 20, 11) et le septième jour reste vide. Dans le cadre de l’Heptaméron, les six jours de travail se divisent comme affirmé précédemment en deux moitiés :

8.      L’opus distinctionis : les trois premiers jours ;

9.      L’opus ornatus : qui commence au quatrième jour.

 

Ce principe se trouve buté à une difficulté, car : « Les plantes sont déjà créées dans le troisième jour et le thème de la séparation (opus distinctionis) est encore essentiel dans le jour où sont créés les astres »[29]. C’est ainsi que Beauchamp propose un autre principe, sans rejeter en bloc le premier. Il découvre que le schéma apparaît comme une orientation par rapport à un centre : « on dirait que les éléments immobiles sont situés par rapport au ciel, déduits du ciel, alors que les vivants convergent vers l’homme »[30]. Il y a comme deux centres, une bipolarité ciel-homme (ciel-terre) ; l’homme image de Dieu est celui qui domine la terre, il laisse à Dieu le pouvoir sur les mers et il est soumis aux astres. Mais il ajoute en disant que : « l’insistance sur la terre suit la ligne d’un choix et non d’une nécessité »[31]. Car la cosmologie de l’auteur n’est pas vraiment anthropologique, c’est cela qui explique les limites que Dieu donne à l’homme.


Le premier récit de la création commence par ce qui en constitue le titre et même l’objet : la création du ciel et de la terre. En effet, le récit commence par :

בְּרֵאשִית בַּרַא אֱלֹהִים אֵת הַשַמַיִם וְאֵת הַאַרֶץ

Ce récit finit en Gn 2, 1-4 par presque les mêmes paroles qu’à son début. Ces paroles de reprise,  Beauchamp les appelle un anti-titre ou formule de clôture au verset 4 : אֵלֶה תוֺלְדוֺת הַשַׁמַיִם וְהַרֶץ בְּהִבַּרְאַם         

Le terme qui commence le récit est commencement et le terme qui finit le récit et synonyme à celui-ci est : tôlědôt : genèse, descendance. En effet le récit commence par : au commencement Dieu créa le ciel et la terre et il finit par : voici l’origine du ciel et de la terre. Cet anti-titre qui conclut le premier récit de la création, ouvre en réalité le second récit : « Sa formulation est de rappeler le titre et en même temps de rattacher le récit à la trame généalogique du document sacerdotal »[32]. Il y a continuité entre les deux récits de la création. Ces textes qui, apparemment juxtaposés, se complètent.


Les sept jours sont constitués en six jours de travail et un jour de repos. Le chiffre sept est comparable aux sept tablettes qui contiennent le poème d’Enouma Elish. Certainement parce que nous ne pouvons pas nier une quelconque influence qu’a subie l’auteur sacré du premier récit de la création. Cependant, n’ignorons pas la particularité juive que nous avons cernée dans ce qui précède. C’est dans ce sens que nous cherchons à donner un vrai sens ou le sens juif du chiffre sept.

Ce chiffre dans le langage biblique  symbolise la plénitude, la totalité. Si Dieu a créé le monde dans sept jours, c’est qu’il l’a créé dans sa plénitude, de manière complète, de manière totale. Nous nous rappellerons les sept trompettes de l’Apocalypse qui symbolisent que Dieu a parlé pleinement, totalement.

 

 


Dans le premier récit de la création, Dieu crée par la parole, le λογος. Ces paroles sont introduites par : Dieu dit : וַיּאֺמֶר אֳלֹהִים

Ces dix paroles renvoient théologiquement aux dix paroles du décalogue, cœur de la Loi du peuple élu. Pour dire que ces dix paroles ont été prononcées au jour même de la création. C’est donc ces paroles qui font d’Israël un peuple, le distinguant des autres peuples. L’auteur sacré a l’intention, comme les prophètes, de rappeler l’Alliance qui était jusque là en danger avec les influences des récits de la création de Babylone en particulier celui de Mardouk. Il veut rappeler que le Dieu de l’Alliance est celui de la création. L’Alliance constitue toute la vie d’Israël, même sa constitution comme peuple.

Dans ces paroles, le verset 28 est particulier, car il ajoute un pronom à la phraseוַיּמֶר לַהֶם אֱלֹהִים :Le pronom lahēm (à eux) signifie que Dieu trouve enfin des gens avec qui il peut communiquer. C’est aussi seulement pour la création de l’humanité que Dieu se donne un ordre à lui-même : וַיּמֶר  אֶלֹאִים נַעְשֶׂה אָדָם « Faisons l’homme…. » (v.26).


a) Le chaos primitif

Il est surprenant de découvrir que dans ce récit, le Dieu de la création ne crée pas à partir de rien : ex nihilo, mais à partir de ce qui existait déjà : le Chaos primitif. Ce qui est vrai, car la première affirmation biblique d’une création à partir de rien se trouve dans le deuxième livre des martyrs d’Israël : regarde le ciel et la terre, contemple tout ce qui est en eux et reconnaît que Dieu les a créés de rien (2 M 7, 28. voir He 11, 3). L’histoire nous prouve que ce livre date du deuxième siècle avant Jésus-Christ. Avant cette date, la tradition biblique unanimement rejoint les idées communes du Proche Orient ancien concernant la création : Dieu a organisé le monde à partir du Chaos. Et d’ailleurs le verbe « Bara » (créer) qui n’est appliqué qu’à Dieu dans le Premier Testament ne signifie pas « faire de rien », mais faire du neuf, de l’inouï, du jamais vu. Et dans la logique du premier Testament, Dieu ne crée pas seulement au début, mais aussi dans l’histoire (Jr 31, 22 ; Is 41, 1.7.15 ; 45, 7)[33].

 

Le verset 2 décrit le chaos primitif :

   וְהַאַרֶץ הַיְתַה תֺהוּ וַבׁהוּ

Les deux termes utilisés : tôhu wâbohu signifient : désert et désolation, chaos. Un autre terme utilisé c’est תְהוֺם  (téhôm) qui signifie gouffre d’où vient le terme תְהוֺמָה qui signifie abyssal, insondable. Cet abîme peut être représenté comme une sorte de boule d’eau salée où toute vie est impossible. Le troisième élément, c’est רוּחַ אֶלׂהִם qui signifie littéralement«  vent de Dieu », un vent violent, difficile à maîtriser. Cette description entre dans la mentalité juive de considérer que les puissants, les forts se manifestent dans le vent. Rappelons-nous l’épisode d’Elie qui attendait Dieu dans le vent, le feu. C’est dans ces conditions qu’était l’univers auquel Dieu a donné forme. C’est vraiment sûr qu’il fait de l’inouï, de l’extraordinaire.

La mise en ordre de ce chaos se réalise par la maîtrise de Dieu de ces trois éléments qui constituent le désordre primitif. Cette maîtrise consiste essentiellement en une parole. Dieu maîtrise son souffle de vent agitant l’abîme par sa parole, car parler suppose que l’on maîtrise le souffle, la respiration. Dieu maîtrise son vent en parlant ; Dieu se maîtrise donc lui-même. Et cette parole est pour la lumière, ou même elle est lumière. Une merveilleuse histoire juive raconte qu’un enfant caché avec sa mère dans un abri obscur lui disait : parle, maman : quand tu parles, il fait moins noir. C’est à cette expérience que le quatrième Evangile se réfère quand il dit : La parole était lumière qui illumine tout être humain en venant dans le monde (Jn 1, 4-9). C’est aussi le sens de la parole des prophètes pendant l’exil, une parole qui éclaire l’obscurité des exilés. Par la parole de Dieu il y a la lumière qui apporte vie à la terre[34].

 

Paul Beauchamp affirme sur ce passage que : « La terre, les ténèbres, et les eaux sont des objets qui ne sont pas soumis à un acte de création, mais à un acte de séparation »[35]. Dieu n’a pas supprimé le chaos primitif, mais en a fait, par l’instauration de son alternance, un lieu vivable et viable.

Quand Dieu se met à parler, c’est pour dire : יְהִי  (Que soit…). Cette forme de verbe (être) utilisée en Gn 1 pour la création des objets célestes : אוֺר יְהִי (que soit la lumière v3),יְהִי מְאֺרֺת(que soient des luminaires v14), רָקיַע יְהִי (que soit un firmament…  v.6,כֵן יְהִי (il en fut ainsi v.15). Le terme יהוה (le Seigneur), semble être dérivé de la racine du même verbe être (haya). Sous cette forme, le non divin pourrait signifier « il est », ou « il fait être ». Si c’est le cas, alors l’intuition de notre auteur c’est que la parole créatrice jaillit dans le nom divin lui-même. Créer c’est donc le propre de Dieu, c’est la mise en œuvre de Dieu, de son propre nom, donc de son essence divine. A ce propos ce n’est peut-être pas pour rien que ce verbe soit utilisé 26 fois dans notre récit :

En effet, 26 est le résultat de l’addition de la valeur numérique des lettres du nom YHWH : Y = 10 ; H = 5 ; et W = 6  → 10+5+6+5 = 26. Le chapitre 1 de la Gn ne mentionne pas le nom du Dieu de l’Alliance : Je suis, mais le cache dans le Dieu qui dit : que soit.[36]

 

b) Les végétaux et les luminaires

 

Le verbe utilisé dans la création des végétaux est דְשַׂא. Ce verbe signifie littéralement faire pousser l’herbe, se couvrir d’herbe. Il montre la responsabilité de la terre d’être productive de l’herbe, et l’herbe qui rend féconde sa semence signifie la reproduction, et donc la vie. Créer signifie donner vie et perpétuer la créature.

L’ornementation du ciel est constituée des luminaires : le grand luminaire pour commandant du jour et le petit luminaire pour commandant de la nuit. Dieu les établit dans le firmament du ciel pour illuminer la terre, pour présider au jour et à la nuit et séparer la lumière des ténèbres. A chaque ligne, l’auteur insiste sur le pour qui indique la finalité des astres créés. Ces luminaires מְאוֺרוֺת qui portent le nom des lampadaires du temple, en les mettant au ciel signifient que le monde est le temple où l’on rencontre Dieu.  Le peuple qui est en exil, n’a pas de temple, l’auteur sacré veut montrer que Dieu est partout au monde. L’image de l’armée des cieux utilisée pour exprimer les luminaires veut simplement affirmer que les astres forment un corps qui se meut avec ordre, puisque les étoiles occupent toujours la même position les unes par rapport aux autres dans le mouvement tournant de la voûte étoilée. Comme dans l’armée, il y a donc comme une hiérarchie dans les astres sous le commandement de la lune et du soleil.[37]

 

 

c) Le peuplement des espèces : les animaux

 

Le cinquième jour, Dieu crée les animaux marins et les volatiles. Le récit précise même qu’il crée les grands monstres marins. Ces monstres, nous l’avons vu précédemment, étaient divinisés et jouaient un rôle important dans les mythes babyloniens en particulier dans le mythe de la création où ils sont associés au chaos des eaux. Dans ce récit, ces monstres sont des simples créatures de Dieu.

C’est sur cette création des animaux aquatiques que résonne la première bénédiction du texte. En effet le texte dit : Et Dieu les bénit en disant : soyez féconds et prolifiques (v.23). Bénir signifie donner de l’épanouissement à la vie des créatures. Dans la pensée biblique Dieu est la source de toute bénédiction et celle-ci concerne le don de la vie, sa croissance (en quantité, c’est le sens du terme hébreux « rēvū » : grand nombre, multitude, accroissement et du terme « milēhū » : plein à déborder, rempli), sa fécondité et son épanouissement jusque dans le bonheur. Dans le langage de la Genèse, le terme bénédiction, loin de signifier dire bien (benedicere), signifie donner la vie et la donner en abondance, créer un espace de l’épanouissement, donner à la créature la maîtrise de la chose comme c’est le cas chez l’homme. Le terme hébreuוַיְבַרֶךְ  signifie selon le dictionnaire : se félicite, salue, souhaite du bien, prononce une bénédiction. Et donc, Dieu se félicite de cette création et la salue. Saluer en français signifie aussi apprécier positivement : c’est cela son sens quand il est utilisé dans l’expression : je salue ton œuvre.

d) L’humanité

 

Pour la première fois dans le texte, Dieu se donne un ordre :

וַיּאמֶר אֱלֹהִים נַעֲשֶׂה אָדָם בְצַלְמֵנוּ כּדְמוּחֵנוּ. Le terme hébreu עָשָׂה signifie dans son premier sens faire, c’est aussi produire, rendre la vie si elle n’existe plus. Tel que utilisé dans le verset 26, il est une commande que Dieu se donne lui-même.

Les Pères de l’Eglise ont vudans le faisons, un signe de la Trinité. À ce niveau la question intervient : l’auteur sacré de l’époque pouvait-il penser à la Trinité alors que Jésus n’était pas encore là pour révéler un Dieu trine et que le shema Israël qui était même la foi d’Israël révélait un Dieu unique ? Ne serait-il pas taxé d’idolâtre et son texte indexé ?

Mais au niveau du récit, quand Dieu se dit faisons,c’est comme s’il se dédoublait, voyant ainsi sa propre image qu’il produit. Il se dédouble en l’homme qu’il créé à son image. Quel est le terme hébreux utilisé quand il s’agit de la création de l’homme ?

Le terme utilisé ici c’est אָדָם,il signifie l’Humain, l’Humanité. Et donc, homme et femme ensemble. La distinction de sexe dans cette humanité que Dieu créa intervient après. L’humanité ou l’humain est d’abord constitué de cette paire homme-femme. Voilà qui explique le sens du pronom singulier dans אֺתוֺ (LE) avant de les distinguer : זַכַר וּנְקֵבֲה. Zākārest utilisé pour parler de l’homme doué d’une bonne mémoire, mais aussi de la virilité quand il est utilisé au féminin זַכְרוּת ; et nēkevah,pour parler d’un orifice, d’un trou, de la féminité quand il s’agit de נְקְבוֺת, d’où dérive aussi le terme fleur pour parler de la beauté de la femme. Ce qui explique aussi la possibilité de la procréation à travers l’acte sexuel. Il ne s’agit pas ici de la création du premier homme et de la première femme, mais du genre humain.

L’humain créé est lié à Dieu sous un double rapport : image et ressemblance. En effet, le terme hébreu צֶלֶם signifie forme, figure, image d’où dérive צִלֵם : photographie, un autre-moi. Et le terme דְמוּת signifie forme, image, ressemblance. Le nouvel être créé est dans le fond et dans la forme un « Dieu ». C’est ainsi que Dieu lui accorde après la bénédiction, la maîtrise de toutes les autres créatures à l’instar de lui-même qui a la maîtrise de l’univers. Le terme image semble être lié à la maîtrise du monde, l’homme qui est à l’image de Dieu exerce sa seigneurie sur le monde, le domine, y travaille, comme Dieu l’a fait ; et le terme ressemblance se rattache davantage à l’aspect de la fécondité et donc au caractère sexué de l’être humain. Si l’être humain est la production de Dieu, et parce qu’il lui ressemble, il doit aussi à son tour produire d’autres êtres qui lui ressemblent par son union avec la femme.

Il faut affirmer que l’image et la ressemblance ne sont pas une description de l’homme, mais plutôt l’indication de la mission de l’humanité : celle de maîtriser la terre et celle de se multiplier.

L’humanité se présente dans ce récit comme une création inachevée. Par quoi est-ce qu’on reconnaît cela ? A. Wénin répond : par l’absence de la formule conclusive :Et Dieu vit que c’est bien. En effet, cette formule, nous la rencontrons sur toutes les créatures, sauf, chez l’humain et lors de la séparation des eaux (v.8).

« Dans cette dernière fois l’absence s’explique aisément parce que la mise en place de cette voûte céleste ne suffit pas à rendre habitable l’espace terrestre. Pour cela il faut encore que la terre sèche soit séparée de l’amas des eaux, œuvre réalisée le troisième jour et suivie du constat : Et Dieu vit que c’est bien »[38].

La formule est omise lorsque l’œuvre réalisée est inachevée. C’est le cas aussi chez l’humain.

André Wénin ajoute une autre raison qui prouve que la création de l’humain est inachevée : en analysant le verbe « āsā » (faire) qui est utilisé quand il s’agit de la créationde l’humain. Il trouve qu’il a une acception bien plus large que « bārā » (créer) qui ne revient qu’à Dieu seul : « Créer a toujours Dieu pour sujet et renvoie de ce fait à une action que lui seul pose »[39]. En utilisant le terme « āsā » quand il crée l’humain, Dieu réalise sa part qui lui revient, à savoir créer, mais quelque chose reste à faire, qui pourra le faire sinon l’humain. En disant faisons, Dieu se parle non seulement à lui-même, mais aussi àl’humain pour l’inviter à parachever par son « faire » l’agir créateur de Dieu.

Un autre indice vient confirmer cela, c’est le fait de les créer différemment homme et femme, en tant que tel, appelés à la rencontre entre un je et un tu qui se diront : « Faisons des humains à l’image de Dieu qui crée l’humain en prononçant cette parole »[40].

Un dernier indice c’est : « la disparition curieuse dans le récit au v.27, du mot ressemblance employé par Dieu »[41]. Dans l’énoncé celui-ci parle de faire à l’image et à la ressemblance, mais dans son récit de la création de l’humain, le narrateur ne retient que le terme image. « C’est ici, au creux même de l’inachèvement de l’humain que s’insère, quoi de plus logique, la mission que Dieu lui assigne de dominer la terre en maîtrisant les animaux »[42].

Dans la bénédiction de Dieu au verset 28 :פְרוּ וּרְבוּ וּמִלְאוּ אֶת־הַאַרֶץ וְכִבְשֻׁה on a utilisé le termeכִבוּשׁ .Ce terme signifie : maîtriser, occuper, conquérir. Et donc, Dieu invite l’homme à exploiter la terre, et la maîtriser, à la découvrir, la conquérir. L’homme qui a une mission de devenir image de Dieu, doit agir ainsi. Cependant, Dieu dans la donation de la nourriture met une limite dans l’action de l’homme. Cette dixième parole est importante parce qu’elle est la dernière, telle est la position de Wénin quand il dit : « Sa position en fin de série ainsi que sa forme dissidente attirent sur elle l’attention du lecteur »[43]. Seules les plantes constituent la nourriture de l’humanité (céréale et fruit) et des animaux (l’herbe). Quel est le sens de ce végétarisme primitif ? L’homme doit-il pour ainsi dire être végétarien ?

Cette énigme est à réfléchir à partir du contexte immédiat. En bénissant l’humanité, Dieu lui fixe une responsabilité : Dominer la terre. Cela ne signifie pas que l’homme ne doit pas dominer l’animal, mais cela signifie simplement qu’il est possible de le maîtriser sans lui faire violence, sans le tuer. Le monde animal dans ce sens pourra aussi ignorer la violence puisqu’il est également herbivore. C’est la volonté d’une relation pacifique avec les humains.[44]

« La maîtrise qu’il s’agit d’acquérir consiste non pas à éliminer cette nouvelle sorte d’animalité, mais à l’humaniser. En effet, en le tuant, on pourrait priver l’humain ou le groupe d’une force de vie et d’un dynamisme essentiels à sa croissance (…) il s’agit plutôt de tempérer cette force »[45].

Sinon elle devient agression d’autrui si elle va au-delà des limites. Cette position invite : « A construire un vivre-ensemble où toute force violente est convertie en authentique douceur »[46]. Tel est le rêve de Dieu qui trouve écho chez Isaïe :

le loup habitera avec l’agneau

le léopard se couchera près du chevreau.

le veau et le lionceau seront nourris ensemble,

un petit garçon les conduira

la vache et l’ourse auront même pâture,

leurs petits même gîte

le lion comme le bœuf mangera du fourrage.

 

En dehors  de la relation homme-femme, l’humain est appelé à trouver une voie d’achèvement dans sa relation aux animaux. Il imitera ainsi son créateur dont la maîtrise fait objet du texte. C’est dans la mesure où il deviendra créateur de son monde en exerçant sa maîtrise que l’humain achèvera en lui l’image de Dieu. C’est ce que répète sur le mode impératif la bénédiction du verset 28 : « Fructifiez et multipliez et emplissez la terre et soumettez-la et maîtrisez » les animaux marins, aériens et terrestres. Il s’agit là d’un devoir que Dieu fixe aux humains, ébauchant ainsi une voie pour leur accomplissement.

e) Le septième jour

Dieu achève sa création en bénissant et consacrant le septième jour. L’écrivain sacré utilise le terme : arrêter, comme pour dire que Dieu s’impose d’arrêter sa création. Dans d’autres versions comme la Bible de Jérusalem, le verbe utilisé est chômer. Le chômage de Dieu consiste en un retrait du monde et une autonomie de celui-ci. En particulier il ouvre un espace d’autonomie à l’humanité qu’il crée à son image et à sa ressemblance.

Après analyse de tout le récit, et surtout en découvrant que l’image et la ressemblance de Dieu est une vocation et non une acquisition, quelle est alors l’image de Dieu dans ce récit de la création ?


Après cette longue analyse narrative du premier récit de la création, l’on se rendra compte qu’il y a plusieurs images de Dieu que nous découvrons. Mais il faut le signaler, ces images se réduisent en une seule « la maîtrise, la douceur ».

En effet, dans ce récit, Dieu se présente comme un travailleur en créant le monde en six jours. Dans cette création en six jours, Dieu se présente comme celui qui se repose le septième jour ; ilse présente aussi comme celui qui apprécie ce qu’il fait dans la répétition : Dieu vit que cela était bon. Dieu se présente également comme celui qui transforme le monde en transformant le chaos primitif en un lieu habitable et vivable. En mettant dans sa créature la possibilité de reproduction, il se présente comme celui qui en assure la perpétuation. En faisant don de nourriture à l’homme et aux animaux, Dieu se présente comme celui qui nourrit sa créature. Et dans la logique immeuble-meuble, Dieu se présente comme celui qui a le goût du beau surtout dans l’ordre qu’il place dans ses créatures,….

A la question de savoir comment Dieu a créé, l’on répondra avec Wénin : c’est par la maîtrise de lui-même : « c’est là un trait si marquant de la figure divine que bien de lecteurs le privilégient unilatéralement en insistant à souhait sur la toute puissance du Créateur »[47]. S’il en ait ainsi, il appartient donc à l’homme de devenir image de Dieu-douceur. Curieusement, certains ont vu dans ce récit uniquement une image de Dieu toute-puissance.

 

Image de Dieu : douceur et toute-puissance

L’auteur du premier récit de la création présente-t-il Dieu comme toute-douceur ou comme toute-puissance ? Une interprétation rapide de ce texte, conclurait à un Dieu toute-puissance,car il crée des choses extraordinaires. Il les crée par la parole ; certains ajoutent même : il les crée ex nihilo.Alors que nous l’avons dit, l’idée de création ex nihilo n’est pas contemporaine à ce récit. D’où vient cette interprétation de l’image de Dieu toute-puissance (voire surpuissance) qui a influencé toute la théologie ? La suite nous aidera à répondre à cette question.

a) La maîtrise du chaos primitif

L’interprétation de l’image de Dieu en toute-puissance dans le récit sacerdotal viendrait d’une rapide comparaison entre ce récit avec la théomachie cosmogonique du poème babylonien de la création. « Le fameux poème akkadien de l’Enuma Elish dépeint le combat victorieux de Mardouk contre les dieux rebelles dont le massacre prélude à la création du monde »[48]. Alors qu’en Gn 1, nous remarquons que Dieu n’a rien détruit. Il a harmonisé le chaos primitif avec les éléments contraires aux éléments négatifs de ce chaos pour en faire un bien, un lieu habitable. Chez Dieu même le mal est transformé en bien.

b) Création par la parole

Un autre élément qui affirme l’image d’un Dieu-douceur, c’est la création par la Parole. C’est par elle que le chaos primitif, en harmonie avec son contraire, a trouvé place dans l’unité organique. C’est par elle que Dieu crée et nomme toutes choses. C’est par elle que la fécondité de la terre est donnée par Dieu. C’est par elle aussi que l’humain et les animaux reçoivent leur nourriture de sorte que les seconds qui reçoivent la verdure n’aient pas à se disputer avec le premier qui reçoit à son tour les céréales et les fruits. « Et quand, enfin elle a trouvé un interlocuteur (Et Dieu leur dit v.28), elle se tait pour laisser place à la réponse. Car le septième jour, Dieu ne dit plus rien : c’est en silence qu’il bénit et sanctifie le sabbat »[49].

A l’image de Dieu, « c’est par la parole que l’humain peut lui aussi maîtriser les forces de son chaos intérieur »[50]. A ce propos, l’histoire de Caïn et Abel dit beaucoup.

« En effet, Caïn, aux prises de la tempête intérieure de sa violence, il ne parle pas. Quand le Seigneur lui demande de maîtriser la bête tapie en lui, celui-ci ne répond pas. Le texte dit tout simplement : Caïn s’adressa vers son frère Abel et il le tua. C’est dans la mesure où il ne dit rien qu’il agit violemment envers son frère. L’auteur de la lettre à Jude l’a bien compris quand il dit : ceux qui suivent le chemin de Caïn sont comme les bêtes sans parole (Jude 10-11) »[51].

Dans certaines versions anciennes (la LXX en tête), on fait parler Caïn (allons au champ), cela ne contredit pas la position de Wénin, au contraire ça la confirme : « Car si dans sa situation, Caïn n’a que ces paroles triviales à adresser à son frère, c’est que, dans l’élan où il va priver l’autre de la vie, il a déjà réduit la parole à n’être que du vent »[52]. Parler à l’autre au lieu de le manger, c’est renoncer à l’absorber pour lui faire place, alors que l’humain doit donner à son semblable d’être.

c) Le refrain : Dieu vit que c’est bien

Un autre élément important qui confirme cette image de Dieu est le refrain sept fois répété : Et Dieu vit que c’est bien (vv.4.10.12.18.21.25.31). Ce refrain est un groupe de mots de louange d’Israël ki-tôb, que c’est bien. A sept reprises, Dieu prend du recul pour jeter un regard à ce qu’il a créé : « Le temps de considérer, d’admirer ce qui est comme sorti de lui et qui n’est pas lui »[53]. C’est dans ce sens que l’existence n’a de sens que par la considération d’autrui qui ouvre un espace de confiance, de vie et de croissance de moi-même.

d) Le repos sabbatique

Enfin, le Créateur se repose. Son sabbat achève la création. C’est donc que le narrateur veut montrer que ce repos est une clé de voûte, « sans laquelle l’œuvre divine resterait du fait même inachevée »[54]. Nous découvrons l’importance de ce repos présenté par le narrateur. Dieu s’arrête au sens fort où il s’impose à lui-même un arrêt. Dans ce sens « il se montre fort sur sa propre force, maître de sa maîtrise »[55]. En arrêtant, Dieu se refuse de tout remplir et c’est ainsi qu’il ouvre une autonomie à l’univers et en particulier à l’humanité créée à son image. Ce n’est que dans ce sens qu’il lui confie la responsabilité du monde et d’en devenir artisan de continuité de son œuvre.


Telle est l’image de Dieu que dessine la première page de la Bible, une image pénétrée de douceur autant, sinon plus, que de puissance. « À moins qu’elle ne révèle adéquatement ce qu’est la toute-puissance divine : cette douceur forte et tenace d’un Dieu qui sait garder la maîtrise de sa puissance »[56]. A ce moment-là la toute-puissance de Dieu ne serait pas la surpuissance, mais à découvrir dans sa douceur. C’est qu’a compris l’auteur de la sagesse quand il dit :

Ta force est le principe de ta justice, et ta maîtrise sur tous te fait user de clémence envers tous. Il fait montre de sa force, celui dont le pouvoir absolu est mis en doute. Mais toi, tu maîtrises ta force et tu juges avec douceur et tu nous gouvernes avec beaucoup de ménagement (Sg 12, 16-18).

Cette image d’un Dieu-douceur est confirmée par le Christ Jésus qui vient révéler le Père à travers sa mort au calvaire. Image d’un serviteur souffrant tel que présenté par le prophète Isaïe. Le Christ est le modèle de la douceur. En effet, il est celui qui pardonne à ses bourreaux alors qu’il était capable de réagir par la violence contre eux. Il a ainsi maîtrisé son ubris (bouillonnement intérieur) laissant place au pardon qui est la maîtrise de sa maîtrise. C’est à cela qu’il nous invite quand il nous demande d’aimer nos ennemis. L’humain est invité à réaliser cette image-Douceur de Dieu. Il devient alors celui qui suscite de la vie. En imitant cette image de Dieu, il construira un monde à l’image de son créateur.


 



Après avoir découvert dans le chapitre précédent les contours de l’image de Dieu, nous chercherons dans ce chapitre à découvrir les implications pratiques de cette image de Dieu. En d’autres termes, si l’homme par sa vocation doit devenir « image de Dieu », alors que l’image découverte dans ce premier récit de la création est celle de Dieu-douceur, que serait plus ou moins la nature de son comportement ?


La recherche scientifique et biotechnologique influence tellement le monde que l’on parle même d’un scientisme aujourd’hui. En effet, la science aujourd’hui permet des pratiques telles que l’avortement, la fécondation in vitro, l’insémination artificielle, l’euthanasie,… Qu’est-ce qui arriverait à ces pratiques si l’homme avait la maîtrise de sa maîtrise à l’instar de Dieu ?


a) Définition

Le dictionnaire Encyclopédique définit ce concept comme : « une expulsion naturelle ou artificielle du fœtus avant qu’il ne soit viable, c’est-à-dire avant la fin du sixième mois »[57]. Ce dictionnaire distingue deux types d’avortement : spontané, causé par des maladies ; provoqué ou criminel, dont l’atteinte du fœtus est généralement due à un traumatisme direct ou l’absorption des produits naturels ou alchimiques réputés abortifs. Ce dernier type d’avortement peut être provoqué, parce qu’on veut éviter des malformations génétiques qui existeraient sur l’enfant qui va naître. La science actuelle l’appelle : avortement eugénique. Il peut aussi être provoqué pour des causes d’ordre social : manque des moyens pour assurer la vie de l’enfant ; âge non adapté pour la mère de porter une grossesse (elle est mineure), mais aussi quand la grossesse est le fruit d’un viol. L’avortement peut aussi être provoqué par la volonté manifeste de la femme, voire du couple. Et dans ce sens, le fœtus est considéré, non pas dans ses qualités de personne, mais comme une partie de la femme qui en ferait ce qu’elle veut.

L’Ethique montre que l’Avortement est un meurtre d’un être, car : « Le fœtus de deux mois, l’enfant de huit ans, l’adulte quadragénaire ou le vieillard, sans avoir les mêmes aptitudes physiques ou intellectuelles, sont toutes des personnes de l’espèce humaine, dignes du respect »[58]. Il reste vrai que l’avortement est un acte moralement condamnable. Les éthiciens affirment que celui qui est criminel et volontairement fait, est gravement condamnable, car il ne considère le fœtus que comme un objet.

b) Evaluation par rapport à l’image d’un Dieu-douceur

L’homme par ses recherches scientifiques est parvenu à bien maîtriser tout le processus de la procréation. C’est dans ce sens que les scientifiques peuvent aujourd’hui affirmer que la grossesse est un processus divisé en deux phases : la phase embryonnaire et la phase fœtale. La première phase va de la rencontre des gamètes masculin (spermatozoïde) et féminin (l’ovule) jusqu’à la huitième semaine.

En effet, après la rencontre des gamètes, l’œuf fécondé à l’instant zéro de sa vie s’appelle zygote ; pendant ses quatre premières semaines, on parle d’une morule ; à la sixième semaine, on parle de blastocyte ce qui deviendra embryon lorsqu’il s’implantera dans l’endomètre de l’utérus et cela jusqu’à la huitième semaine.[59]

 

La seconde phase est celle dite fœtale. Elle va de l’installation dans l’utérus jusqu’à la naissance. Toutes ces découvertes scientifiques sont vraiment à louer parce qu’elles nous permettent de bien maîtriser le processus d’une grossesse.

Cependant, l’homme qui a découvert ces bonnes choses, en fait un usage malheureux. Les deux phases découvertes poussent malheureusement l’homme à se poser la question du seuil pour un avortement possible. Ainsi, certains scientifiques finissent par conclure qu’au stade embryonnaire, il est permis d’avorter, parce qu’il n’y a pas encore véritablement l’homme ; il peut y avoir peut-être des doutes au niveau fœtal. Malheureusement, même à ce niveau, certains permettent d’avorter, parce que, disent-ils, le fœtus est capable de devenir une personne, mais il n’est pas une personne ; il lui manque l’aspect le plus important d’une personne : la capacité d’autodétermination, de liberté. En agissant ainsi, peut-on dire que l’homme maîtrise encore ce processus de la procréation ? Il devient difficile d’affirmer cela, parce que la maîtrise, comme nous l’avons vue dans le premier récit, n’est jamais destructrice. Elle est toujours constructrice à l’exemple du Dieu créateur.

Le texte de la Genèse montre que Dieu a maîtrisé sa maîtrise en créant par la parole. L’usage de sa parole, nous l’avons vu, montre la maîtrise de sa violence et crée de la lumière. Dans ce sens, l’homme devrait à un moment donné, arrêter son impulsion, sa tension intérieure, son vent agité qui le pousse à tuer son semblable par l’avortement. En avortant, l’homme ne sait pas maîtriser sa propre maîtrise. S’il est créé à l’image de Dieu, c’est pour devenir comme Lui par vocation, et donc pour avoir de la maîtrise de ses pulsions de mort qui le poussent à l’avortement.

En avortant, l’homme, au lieu de créer de la lumière, comme c’est le cas pour son Créateur, crée de l’obscurité qui l’engloutit ; car tuer c’est toujours détruire une vie. En agissant ainsi, l’homme ne sait pas arrêter son impulsion de mort, sa violence qui le conduit à tuer son semblable. Il refuse même de participer à la procréation avec Dieu, car nous l’avons vu, Dieu en disant : faisons… au moment de la création de l’humain, il veut que celui-ci participe à la création par la procréation. Il invite aussi l’homme qu’il crée à son image et à sa ressemblance de participer à cette œuvre de production de ses semblables. En avortant, l’homme ne sait même pas avoir confiance en son créateur qui a voulu qu’il ait un enfant et qui a voulu qu’il participe à la création.


Qu’est-ce l’insémination artificielle ?

C’est une technique scientifique qui consiste à recueillir le sperme du mari à la suite d’une masturbation et à faire pénétrer les spermatozoïdes dans l’utérus de la femme pour pouvoir féconder l’ovule. Cette pratique est souvent conseillée par le médecin, dans le cas où le sperme du mari contient peu de spermatozoïdes ou quand les difficultés physiologiques rendent difficile l’acte sexuel. Nous distinguons deux types d’insémination artificielle : elle peut se faire dans le couple, cette fois-là on utilise les gamètes du mari ; ou alors, elle peut se faire avec donneur, là on utilise les gamètes de quelqu’un qui est extérieur au couple.[60]

 

Qu’est-ce que la fécondation in vitro ?

C’est une technique de la médecine moderne qui consiste à transplanter l’embryon fécondé en manipulant les gamètes masculin et féminin dans un verre vers l’utérus de la femme dans le cas d’une anomalie des trompes chez celle-ci. Elle peut aussi se faire dans le couple, si les gamètes recueillis sont venus des deux personnes du même couple, ou avec porteuse, si on fait intervenir une mère qui porte cet embryon.[61]

Quelle est l’évaluation de ces deux actes de manipulation par rapport à l’image de Dieu douceur découverte dans le premier récit de la création ?

Certes la fécondation in vitro et l’insémination artificielle relèvent d’une louable recherche scientifique de l’homme qui maîtrise encore très bien l’évolution biologique du fœtus. L’homme trouve maintenant un moyen pour contourner la stérilité chez l’homme comme chez la femme. Certains disent même que le désir d’avoir un enfant est enfin assouvi pour des femmes travailleuses dont la grossesse empêcherait l’exercice de leur fonction. Avec ces découvertes, même un célibataire peut avoir un enfant. Il suffit qu’il en manifeste volonté.

Analysant les deux techniques médicales, nous découvrons tout de suite qu’elles contournent l’acte sexuel. Pour avoir un enfant, l’homme passe par le prélèvement des gamètes au lieu de passer par l’acte conjugal. Dans le récit, Dieu les crée homme et femme à son image pour qu’ils s’accouplent et participent ainsi à la production d’autres êtres créés à l’image et à la ressemblance de Dieu. En effet, si Dieu dit : faisons, c’est pour que l’homme aussi participe à la production d’autres êtres semblables à lui ; pas de n’importe quelle manière, mais à travers l’acte sexuel. Voilà le sens des termes hébreux utilisés : זַכַר וּנְקֵבֲה. Zakar est utilisé pour parler de l’homme doué d’une bonne mémoire, mais aussi de la virilité ; nēkevah est utilisé pour parler de l’orifice, d’un trou. C’est après les avoir créé avec ces potentialités qu’il les bénit : soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre. C’est pour dire que c’est par l’acte sexuel qu’ils produiront d’autres êtres.

Sur ces techniques, l’homme doit aussi, comme Dieu savoir arrêter ses pulsions intérieures qui le poussent à aller plus loin avec ses recherches scientifiques. C’est toujours positif de faire des recherches scientifiques et technologiques, car ce qu’elles produisent aident l’homme dans sa vie terrestre. Le téléphone, la radio, la télévision, l’internet, etc. sont d’un usage positif à l’homme. Mais l’homme doit savoir s’arrêter dans ses recherches et doit ainsi se poser la question si ce qu’il produit est bon pour l’homme. Car, il n’y a pas de recherche pour la recherche, mais il ne doit y avoir que des recherches pour l’homme. Son Créateur lui-même a eu le temps de s’arrêter à chaque créature pour l’apprécier. C’est le sens du refrain :Et Dieu vit que cela était bon. Le scientifique doit aussi toujours s’arrêter dans ses productions pour les apprécier par rapport à l’homme qui en fera usage.

Ces deux techniques, en contournant l’acte sexuel, échappent à la volonté du Créateur de produire des êtres par relation conjugale. En les créant homme et femme : virilité et trou, Dieu veut qu’ils se reproduisent par l’acte sexuel. C’est dans ce sens que toute manipulation qui produirait des êtres en dehors de cet acte, n’est pas bonne. A un certain moment la science doit s’arrêter et se demander si dans toutes ses manipulations, ce qu’elle produit est bon. S’arrêter aussi à l’exemple de Dieu, pour laisser l’autonomie à d’autres domaines de la vie : la psychologie, la philosophie, la théologie, la morale, …qui ont aussi un mot à dire sur la vie de l’homme. La science (biologique) pense qu’elle a le monopole de compréhension de l’homme ; alors que l’homme est bio-psycho-social, même théologique. La science doit finalement comprendre qu’elle ne peut pas tout résoudre, elle doit laisser de l’espace à d’autres disciplines de recherche.

Et même dans la procréation normale des êtres à travers les relations sexuelles, l’homme doit apprendre à s’arrêter comme c’est le cas de son créateur. Il ne peut pas continuellement produire des êtres sous prétexte que c’est Dieu qui les donne. Et que dire s’il est incapable de les supporter ? Il doit, à l’instar de Dieu qui s’est arrêté le dernier jour, qui a maîtrisé sa maîtrise, arrêter de continuer à engendrer. Il doit s’arrêter et évaluer si cela est très bon, si les enfants qu’il engendre il les gardera bien.


L’homosexualité (du grec homos qui signifie semblable) est la sexualité entre personnes de même sexe. Elle se distingue de l’homophilie qui est le penchant pour le même sexe. Dans ce sens, nous distinguons l’homosexualité chez les hommes et le lesbianisme chez les femmes. « L’homosexualité peut avoir des aspects maladifs (pathologiques), mais l’homosexualité n’est pas une maladie »[62]. Elle ne correspond à aucune anomalie génétique ou anatomique. Jusque là il n’y a aucune raison hormonale liée à l’homosexualité, mais elle a des causes psychiques qu’on ignore. L’attitude de l’Eglise envers cette pratique se résume en l’accueil des homosexuels et au refus de l’homosexualité, car Dieu aime le pécheur, mais n’accepte pas le péché.

Le premier récit de la création affirme que Dieu créa l’homme, à l’image de Dieu, il le créa זַכַר וּנְקֵבֲה (homme et femme, littéralement, virilité et trou) (Gn 1, 27). Après les avoir créés, Dieu leur demande de se multiplier, de remplir la terre. En les créant ainsi, Dieu veut qu’ils se reproduisent par relation sexuelle et une relation entre deux sexes opposés : homme et femme. C’est encore clair, comme l’affirme la morale que l’intention de Dieu dans ce récit de la création est de lier sexualité et procréation, car en les créant homme et femme, virilité et trou, il veut qu’ils se connaissent pour qu’ils se multiplient par cette relation.

C’est donc là une confirmation du faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance. Dieu qui LE crée homme et femme les invite aussi à produire des êtres à leur image et à leur ressemblance par relation sexuelle. L’homosexualité est dans ce sens rejetée par ce passage du récit de la création, car elle veut que les personnes de même sexe se marient, alors qu’ils sont incapables biologiquement d’avoir des enfants et leur relation sexuelle s’écarte de l’intention du Créateur dans le premier récit.


Nous remarquons qu’il y a un danger de l’activisme qui guette le monde actuel. L’homme travaille tous les jours voire les dimanches. C’est ce que d’aucuns appellent un monde sans Dieu. Les universités, les écoles, les industries ouvrent les portes même les dimanches. Et donc le repos sabbatique n’existe plus. On crée un monde sans louange, un monde où l’on ne reconnaît pas le Créateur. Et la conséquence devient claire : le règne de la haine, des guerres, des injustices,… 

Ce danger de l’activisme guette aussi la vie religieuse. La vie religieuse, qu’elle soit monastique ou apostolique, se fonde sur deux piliers qui sont : la prière et l’apostolat. Les deux piliers vont de paire et ont  comme origine l’amour de Dieu et celui du prochain. On s’attache à Dieu à travers des exercices spirituels et cela a pour conséquence l’attachement à l’homme qui est notre frère par une sollicitude aimante. La vie religieuse garde aussi le sens du travail manuel comme celui qui produit aux membres ce dont ils ont besoin pour leur survie et pour leur apostolat envers les pauvres. Dans ce sens le ora et labora est toujours en vigueur dans les congrégations actuelles. C’est ainsi que nous trouvons des œuvres de charité qui, non seulement aident les peuples et en particulier « les pauvres », mais aussi produisent des biens financiers et matériels aux membres des congrégations.

Cependant, il arrive que les religieux, diminuent leur vigueur de prière pour le travail ou pour l’apostolat. Il arrive aussi que certains, au non du travail manuel, négligent les offices, voire la messe en arguant qu’ils doivent vivre et doivent chercher des moyens pour cela. D’autres encore, au non de l’apostolat, négligent certaines activités spirituelles ; ils tombent alors à ce moment là dans l’activisme. Que dit le premier récit de la création par rapport à l’activisme ?

Nous avons découvert dans le premier chapitre comment Dieu, le septième jour a arrêté son activité pour se reposer et a fait le sabbat. Dieu a su arrêter son vent violent ; pour dire que toute activité doit s’arrêter à un moment pour la louange. Dieu se montre maîtrise de sa propre maîtrise. Dans cet arrêt, il montre aussi son refus de tout remplir et de laisser quelque chose à d’autres. Il ouvre ainsi une autonomie à l’univers et à l’humanité. L’homme créé à son image, doit aussi apprendre à arrêter son activité, bonne ou productive soit-elle, pour permettre à d’autres de faire quelque chose, mais aussi pour respecter le jour du Seigneur qui est le sabbat déjà institué par le premier récit de la création.

Arrêter son activité, c’est maîtriser sa maîtrise, sa violence interne, pour laisser de l’espace à autrui et à Dieu. Dieu lui-même a compris qu’il devrait laisser quelque chose à l’homme qui serait son coocréateur et a arrêté sa création. L’homme doit aussi savoir qu’il ne peut pas tout faire, mais doit apprendre à laisser un espace d’activité à d’autres et surtout à son créateur dont le sabbat est son jour de louange. Dans ce sens l’activisme dans la vie religieuse et dans le monde se voit lui-même rejeté, car il ne laisse pas de l’espace à autrui et surtout pas à Dieu qui mérite louange.

L’activisme devient ainsi comme une forme d’égoïsme selon le premier récit de la création, c’est donc priver à d’autres le travail, l’initiative et même priver à Dieu sa louange.


Nous remarquons beaucoup de guerres dans le monde, surtout en Afrique : ce continent que certains appellent un champ de bataille. Il y a beaucoup de guerres avec des conséquences tout à fait néfastes sur l’homme : tuerie, viol, vol, pillages… Il y a dans le monde des pays qui se spécialisent dans la fabrication des armes et qui cherchent des débouchés. Il faut aussi ajouter que ces pays vivent de cette activité. C’est dans ce sens qu’ils souhaitent beaucoup de guerres dans le monde et quelques fois, ils les provoquent même.

Nous remarquons aussi que d’autres pays, dans l’intention de se protéger contre le danger permanent provoqué par la production des armes, s’enrichissement en armes. Ils provoquent ainsi beaucoup de guerres qui en provoquent à leur tour d’autres. La logique devient : ceux qui sont attaqués, s’enrichissement en armes et réagissent aussi par les armes et ainsi le cycle continue et la vie devient une vie de guerre et de violence.

C’est vrai que l’on ne peut pas arrêter la violence par la violence, sinon on l’enflamme encore davantage. L’arme efficace contre la violence, c’est la paix, la douceur. Et c’est l’exemple du serviteur souffrant tel que décrit par le deutéro-Isaïe (Is 52, 13-53, 12) : « la victime, de passive qu’elle était, assume un rôle actif dans la subversion du processus de la violence qui l’écrase »[63]. C’est ce que Wénin a compris quand il parle des psaumes. Il dit que l’image du méchant dans ces poèmes est souvent comparable à des bêtes féroces. On les voit rôder à la recherche du juste, guetter longuement la proie. Il ajoute en disant que ces figures sont rejetées par une autre, celle de l’agneau : « opposée à ces fauves, une autre figure animale se dessine, qui n’est autre que leur victime désignée, l’agneau. Serait-ce à celui-ci qu’il revient de faire contrepoids ? »[64]. C’est dans ce sens que Jérémie se compare même à un agneau docile mené à la boucherie lorsqu’il apprend qu’il est victime du complot de ses familiers qui méditaient sa perte (Jer 11, 18-19). C’est même l’image de Dieu que nous a révélé le Christ. Et d’ailleurs saint Jean le nomme Agneau de Dieu. C’est dans ce sens qu’il meurt au moment où les juifs égorgent les agneaux pour la pâque. C’est ce même Dieu qui, dans le premier récit de la création a maîtrisé le chaos primitif sans le détruire ; qui est capable aussi de maîtriser sa maîtrise en arrêtant avec la création pour laisser l’autonomie à l’humain.

La guerre ne peut être combattue que par la douceur qui conduit à la paix, pas en s’enrichissant en armement pour terroriser les autres. Que les protagonistes apprennent à maîtriser leur violence interne pour ouvrir l’espace à la douceur qui arrêterait la guerre.


Ce travail est souvent considéré négativement, il est alors le propre des esclaves. Dans ce sens, les hommes libres ne sont pas appelés à travailler manuellement. Cette idée vient d’une mauvaise compréhension du deuxième récit de la création qui veut que le travail soit la conséquence punitive du péché par Dieu. En effet, dans ce récit, l’homme et la femme après qu’ils avaient mangé le fruit, Dieu dit à l’homme : parce que tu as écouté la voix de ta femme et que tu as mangé, le sol sera maudit  à cause de toi. C’est dans la peine que tu t’en nourriras… A la sueur de ton visage tu mangeras du pain jusqu’à ce que tu retournes au sol.Une interprétation rapide de ce texte peut conduire le lecteur à y voir le travail comme fruit de la punition divine. Le travail devient une peine, une sanction que Dieu a infligé à l’homme, parce qu’il a péché. 

Et pourtant, au verset 15 de ce deuxième récit, il est dit que : Le Seigneur Dieu prit l’homme et l’établit dans le jardin d’Eden pour cultiver le sol et le garder. Pour dire que la volonté de Dieu sur l’homme est qu’il travaille le sol manuellement. Cette idée est encore présente dans le deuxième récit de la création.

Dieu lui-même est à l’œuvre dans ce récit en créant. Mais quand il crée l’homme il lui dit de maîtriser la terre. C’est donc d’y travailler pour y trouver son pain quotidien. C’est par le travail manuel que l’homme peut développer son milieu naturel. C’est ce qu’affirme aussi Jean-Paul II : « Le rôle du travail humain devient un facteur toujours plus important pour la production des richesses immatérielles et matérielles »[65]. Le travail manuel n’est pas le fruit du péché ou encore une punition que Dieu a infligé à l’homme, mais il est une volonté de Dieu dès la création de l’homme. L’intention du créateur est claire : il veut que l’homme qu’il a créé à son image soit travailleur et productif. C’est ce travail qui l’humanise, qui fait de lui une créature exceptionnelle de Dieu. C’est aussi le sens du faisons l’homme à notre image. L’homme doit participer aussi à la création du monde, il doit créer le monde avec Dieu en le développant par ses potentialités physiques, intellectuelles, psychiques. L’homme est coocréateur avec Dieu. C’est par le travail manuel qu’il continue l’œuvre de la création déjà initiée par son Créateur.

L’homme, différent de l’animal dont la nature a déjà tout donné, installe son monde par le travail manuel. Ainsi, il fait de la nature une culture et fait de son milieu, un lieu où il s’épanouit : « C’est son intelligence qui lui fait découvrir les capacités productives de la terre et les multiples manières dont les besoins humains peuvent être satisfaits »[66]. Et d’ailleurs : « Dans l’histoire, le travail et la terre se retrouvent toujours au principe de toute société humaine »[67]. Quelle façon de travailler ?

Il convient de relever que le travail qui humanise est toujours comparable à celui de Dieu dans le récit de la création. Nous observons Dieu à l’œuvre, mais une œuvre dans la douceur. Dieu ne détruit pas le chaos primitif, mais il le transforme en un lieu propice pour la vie en l’opposant avec son contraire. C’est une image de Dieu que l’homme doit suivre dans son action au monde. Nous observons actuellement une destruction méchante de la nature : déboisement des forêts, pêches en désordre, chasses d’animaux avec disparition de certaines espèces, exploitation minière avec pollution, etc. et cela, apporte des conséquences fâcheuses sur l’homme qui en est l’acteur. L’homme doit suivre l’image de son créateur travaillant sans détruire le chaos. Dans l’exploitation forestière par exemple, savoir que le déboisement perturbe l’écosystème qui, à son tour, produit des perturbations climatiques ; dans l’exploitation minière par exemple, savoir éviter la pollution de l’air et surtout de l’eau ; dans la chasse des bêtes, éviter d’exterminer certaines races en chassant à tout instant, car : « travailler, c’est travailler avec les autres et travailler pour les autres »[68]. On ne peut donc pas travailler pour les autres en les détruisant en même temps. Travailler avec les autres ne signifie pas les exploiter. L’ordre de Dieu de dominer la terre est adressé à l’humain et donc à tous les hommes. Ce n’est pas l’apanage d’un individu qui traiterait les autres comme ses sujets en s’appropriant d’une portion de terre, même si c’est lui qui a les moyens de production.


L’image de Dieu douceur est une solution à beaucoup de problèmes de l’homme. L’homme en imitant son créateur comme celui qui maîtrise sa propre maîtrise, comme celui qui agit avec douceur, peut transformer son milieu en un lieu beaucoup plus habitable, en un lieu où il fait beau vivre et ainsi, pourra-t-il affirmer avec Dieu : que cela est très bon.


 


 

En conclusion l’on dira que la Bible nous apparaît comme un manuel plein de violences, surtout quand il s’agit du premier Testament. Ce qui amène certains chrétiens à sélectionner parmi les livres de la Bible ceux qui paraissent non violents. La tradition juive n’a vu aucun problème dans cette violence biblique, c’est ainsi qu’elle garde ces livres. Le regard de certains chrétiens est critique par rapport à cette violence : « Le Dieu qu’ont annoncé la Loi et les Prophètes est un être malfaisant, aimant la guerre, inconstant aussi dans ses jugements et en contradiction avec lui-même »[69], affirmait Marcion.

Et pourtant, cette Bible, répond à des questions humaines : « en décrivant des voies à ne pas suivre et des impasses à éviter. La première de celles-ci est la violence »[70]. En présentant la violence, la Bible nous invite simplement à l’éviter en imitant les images de Dieu qu’elle fournit. Elle est une collection d’images de Dieu que l’homme doit suivre parce qu’il est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. C’est dans cette logique que nous avons découvert dans le premier récit de la création l’image d’un Dieu douceur. Et cette image combattrait selon nous toute violence.

La violence vient de l’homme quand il ne sait pas arrêter ses pulsions internes. Cette violence se manifeste dans le monde extérieur par le mauvais traitement de son semblable et d’autres créatures. Nous notons des conflits armés, des violences sexuelles, des tricheries, des tueries, des déforestations méchantes, des chasses avec violence qui font disparaître certaines espèces animales, etc. Cette violence détruit vraiment l’homme et la nature.

Le Dieu du premier récit de la création crée à partir de quelque chose : le chaos primitif. Il ne le détruit pas, mais le maîtrise en créant son contraire. Le Dieu de ce récit, crée des choses bien, c’est dans ce sens que l’auteur met dans sa bouche plusieurs fois l’exclamation : Dieu vit que cela était bon. Il crée par la parole, une parole qui est la maîtrise de son souffle violent. Cette parole crée la lumière qui éclaire l’obscurité du chaos. Quand il crée l’homme à son image, il lui demande de maîtriser les choses du monde, mais aussi lui donne comme nourriture le végétal et non l’animal. Le septième jour, Dieu se montre davantage comme maîtrise de sa maîtrise en arrêtant sa création. C’est comme s’il s’obligeait d’arrêter de créer et de se reposer en vue de laisser l’autonomie à l’univers et surtout à l’homme qu’il a créé à son image et à sa ressemblance. Il apparaît que l’image de Dieu dans ce récit est la douceur.

L’homme doit ainsi, devenir douceur à l’image de Dieu telle qu’elle est présentée dans le premier récit de la création. Parce que l’expression : l’homme est créé à l’image de Dieu,n’est pas une possession, mais une acquisition. L’image d’un Dieu-douceur, maîtrise de sa maîtrise est une solution à toute violence dans le monde. C’est dans l’imitation de la douceur de Dieu dans le premier récit de la création que l’homme peut amener la paix dans un monde déchiré par tant de guerres. Par la douceur, il peut traiter son semblable dans sa dignité, peut traiter la nature avec respect. Là, il saura maitriser, comme son créateur, sa propre force, ses propres pulsions internes. Ce n’est que dans cette mesure qu’il saura aussi observer le sabbat comme jour de louange à Dieu son créateur. Et ainsi, il peut dire que : tout ce qu’il réalise est très bon.


 


 

1. Versions bibliques

1.         Bible de Jérusalem, Cerf/verbum bible, Rome, 1999

2.         Biblia Hebraïca, württembergische bibelanstalt Stuttgart, 1937

 

2. Ouvrages principaux

3.        BEAUCHAMP, P., Création et séparation. Etude exégétique du chapitre premier de la Genèse, Cerf, 1969

4.        WENIN, A., La Bible ou la violence  surmontée, Desclée de Brouwer, Paris, 2008

5.        WENIN, A., Pas seulement de pain. Violence ou alliance dans la Bible, Cerf, Paris, 1998

 

3. Autres ouvrages

  1. BEDOUELE, G. ET ALII, L’Eglise et la sexualité. Repères historiques et regards actuels, Cerf, Paris, 2006
  2. CHARPENTIER, E., Pour lire l’Ancien Testament, Cerf, Paris, 1981
  3. DHEILLY, J., Le peuple de l’Alliance, de l’école, Paris, 1954
  4. GELINEAU, J. et CHIFFLOT, Th, Les psaumes, Cerf, Paris, 1955
  5. HERVIEU-LEGER, D. dir, Religion et Ecologie, Cerf, Paris, 1993
  6. JEAN-PAUL II, Evangelium vitae, Encyclique sur la valeur et l’inviolabilité de la vie humaine, Texte présenté et annoté par les Jésuites des cahiers pour croire aujourd’hui, Desclée de Brouwer, 1995
  7. JEAN-PAUL II, Centésimus Annus. Lettre Encyclique, Saint-Paul Afrique, Kinshasa, 1991
  8. KUEN, A., Introduction au Nouveau Testament. Les Lettres de Paul, Emmaüs, Saint-Liège, 1989
  9. LARCHER, L., La face cachée de l’écologie, Cerf, Paris, 2004
  10. NDAYWEL E NZIEM, I., Histoire Générale du Congo. De l’héritage ancien à la RDC, préfacé par Théophile OBENGA, Afrique édition, Paris, 1998
  11. OSTY, E. et TRINQUET, J., La Bible. Genèse, Edition Rencontre, Pais, 1969
  12. SCHOOTYANS, M., La face cachée de l’ONU, Du jubilée, 2000
  13. WILDBERG, H., Le Monde biblique, Silva Zurich
  14. WENIN, A., Actualité des mythes. Relire les récits mythiques de la Genèse 1-11, CEFOC, 1997
  15. Apprendre à lire la Bible

 

4. Dictionnaires

  1. BAILLY, A., Dictionnaire Grec-Français, Hachette, Paris, 1950
  2. Concordance de la Bible TOB, Société biblique française, Cerf, Paris, 1993
  3. Dictionnaire Encyclopédique Quillet, Paris, 1975
  4. COHN Marc, M., Nouveau Dictionnaire hébreux-français Larousse, Paris, 1985
  5. Théo. Encyclopédie catholique, Fayard, 1979

 

5. Cours, Revues et Travaux

  1. CahiersEvangile, Cerf, Mai 1973
  2. KAYEU, B., Responsabilité morale de l’africain face à la crise écologique, TFC, 2011-2012
  3. MONGA, P., Cours de Bioéthique, Inédit, Scolasticat BX Jean XXIII, 2010-2011

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 


 


 

EPIGRAPHE……………………………………………………………………………….I

DEDICACE………………………………………………………………………………..II

AVANT-PROPOS………………………………………………………………………..III









































 

 

 

 



[1]Schootyans, M., La face cachée de l’ONU, Du jubilée, 2000, p.56
[2]Théo. Encyclopédie catholique, p.871, coll 2
[3]Théo. Encyclopédie catholique, p.475, coll 1
[4]Théo. Encyclopédie catholique, p.480, coll 2
[5]Ndaywel E Nziem, I., Histoire Générale du Congo. De l’héritage ancien à la RDC, préfacé par Théophile Obenga, Afrique édition, Paris, 1998, p.315
[6]Jean-paul II, Evangelium vitae, Encyclique sur la valeur et l’inviolabilité de la vie humaine, Texte présenté et annoté par les Jésuites des cahiers pour croire aujourd’hui, Desclée de Brouwer, 1995, p.12
[7]Hervieu-Leger, D.(dir), Religion et Ecologie, Cerf, Paris, 1993, p.186
[8]Kayeu, B., Responsabilité morale de l’africain face à la crise écologique, TFC, Inédit, 2011-2012, ISPTK, p.6
[9]Larcher, L., La face cachée de l’écologie, Cerf, Paris, 2004, p.28
[10]Wenin, A., La Bible ou la violence surmontée, Desclée de Brouwer, Paris, 2008, p.7
[11]Wenin, A., La Bible ou la violence surmontée, p.7
[12]Apprendre à lire la Bible, p.12
[13]Osty, E. et Trinquet, J., La Bible. Genèse, Edition Rencontre, Pais, 1969, p.32
[14]Apprendre à lire la Bible, p.13
[15]Dheilly, J., Le peuple de l’Alliance, de l’école, Paris, 1954, p.325
[16]Dheilly, J., Le peuple de l’Alliance, p.290
[17]Gelineau, J. et Chifflot, Th, Les psaumes, Cerf, Paris, 1955, p.17
[18]Gelineau, J. et Chifflot, Th, Les psaumes, p.17
[19]Wenin, A., La Bible ou la violence surmontée, p.17
[20] Cf. Bailly, A., Dictionnaire Grec-Français, Hachette, Paris, 1950, pp 1981-1982
[21]Larcher, L., La face cachée de l’écologie, p.149
[22] Dans le premier récit selon l’ordre de la Bible, sur le passage du don de la nourriture aux humains, Dieu trace une limite en donnant à l’homme pour nourriture les végétaux et non les animaux (1, 29). Dans le second, Dieu pose une limite entre tous les arbres dont l’humain peut manger et l’arbre de la connaissance du bien et du mal qu’il ne peut pas manger. Dans tous les cas, tout est donné, sauf quelque chose. Dans Gn 1, 28b, Dieu demande à l’homme de dominer la terre, de soumettre les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et toute bête qui rumine ; dans le second, sur le travail, le Seigneur Dieu prit l’homme et l’établit dans le jardin d’Eden pour cultiver le sol et le garder (Gn 2, 15).
 
[23]Grelot, P., Homme, qui es-tu ? Les onze premiers chapitres de la Genèse, In « Cahiers Evangile », N°4, Cerf, Mai 1973, p.29
[24] La mentalité pessimiste des mésopotamiens serait venue de leur position géographique dans une vallée imprévisible provoquant parfois des véritables déluges dont on a trouvé parfois des traces dans les fouilles archéologiques. Ils sont souvent envahis par des nomades venus de l’Arabie. Aussi les dieux mésopotamiens sont-ils souvent capricieux, sans cesse en lutte entre eux. L’homme cherche à se garder contre leurs coups.
[25]Grelot, P., Homme, qui es-tu ? Les onze premiers chapitres de la Genèse, In « Cahiers Evangile », N°4, Cerf, Mai 1973, p.22-23
[26]Grelot, P., Homme, qui es-tu ? Les onze premiers chapitres de la Genèse, In « Cahiers Evangile », p.21
[27]Wildberg, H., Le Monde biblique, Silva Zurich, p.36
[28]Beauchamp, P., Création et séparation. Etude exégétique du chapitre premier de la Genèse, Cerf, 1969, p.39
[29]Beauchamp, P., Création et séparation. Etude exégétique du chapitre premier de la Genèse, p.39
[30]Beauchamp, P., Création et séparation. Etude exégétique du chapitre premier de la Genèse, p.45
[31]Beauchamp, P., Création et séparation. Etude exégétique du chapitre premier de la Genèse, p.46
[32]Beauchamp, P., Création et séparation. Etude exégétique du chapitre premier de la Genèse, p.57
[33] Cf. Wenin, A., Pas seulement de pain. Violence et alliance dans la Bible, p.27
[34] Cf. Wenin, A., Actualité des mythes. Relire les récits mythiques de la Genèse 1-11, CEFOC, 1997, pp 91-92
[35]Beauchamp, P., Création et séparation. Etude exégétique du chapitre premier de la Genèse, p.56
[36] Cf. Wenin, A., Actualité des mythes. Relire les récits mythiques de la Genèse 1-11, p.100
[37] Cf. Wenin, A., Actualité des mythes. Relire les récits mythiques de la Genèse 1-11, p.94
 
[38]Wenin, A., Pas seulement de pain. Violence et alliance dans la Bible, p.26
[39]Wenin, A., Pas seulement de pain. Violence et alliance dans la Bible, p.27
[40]Wenin, A., Pas seulement de pain. Violence et alliance dans la Bible, p.27
[41]Wenin, A., Pas seulement de pain. Violence et alliance dans la Bible, p.28
[42]Wenin, A., Pas seulement de pain. Violence et alliance dans la Bible, p.28
[43]Wenin, A., Pas seulement de pain. Violence et alliance dans la Bible, p.25
[44] Cf. Wenin, A., Pas seulement de pain. Violence et alliance dans la Bible, pp.29-30
[45]Wenin, A., Pas seulement de pain. Violence et alliance dans la Bible, p.30
[46]Wenin, A., Pas seulement de pain. Violence et alliance dans la Bible, p.31
[47]Wenin, A., Pas seulement de pain. Violence et alliance dans la Bible, p.32
[48]Wenin, A., Pas seulement de pain. Violence et alliance dans la Bible, p.32
[49]Wenin, A., Pas seulement de pain. Violence et alliance dans la Bible, p.37
[50]Wenin, A., Pas seulement de pain. Violence et alliance dans la Bible, p.37
[51] Cf. Wenin, A., Pas seulement de pain. Violence et alliance dans la Bible, p.37
[52]Wenin, A., Pas seulement de pain. Violence et alliance dans la Bible, p.37
[53]Wenin, A., Pas seulement de pain. Violence et alliance dans la Bible, p.33
[54]Wenin, A., Pas seulement de pain. Violence et alliance dans la Bible, p.33
[55]Wenin, A., Pas seulement de pain. Violence et alliance dans la Bible, p.34
[56]Wenin, A., Pas seulement de pain. Violence et alliance dans la Bible, p.34
[57]Dictionnaire Encyclopédique Quillet, Paris, 1975, p.538, coll.3
[58]Bedouele, G. EtAlii, L’Eglise et la sexualité. Repères historiques et regards actuels, Cerf, Paris, 2006,    p.155
[59]Monga, P., Cours de Bioéthique, Inédit, Scolasticat Bx Jean XXIII (Kolwezi), 2012-2013, pp.15-16
[60] Cf. Monga, P., Cours de Bioéthique, pp.37-38
[61] Cf. Monga, P., Cours de Bioéthique, pp.40-41
[62]Théo Encyclopédie catholique pour tous, p.823
[63]Wenin, A., Pas seulement de pain. Violence et Alliance dans la Bible, p.155
[64]Wenin, A., Pas seulement de pain. Violence et Alliance dans la Bible, p.149
[65]Jean-Paul II, Centésimus Annus. Lettre Encyclique, Saint-Paul Afrique, Kinshasa, 1991, p.63
[66]Jean-Paul II, Centésimus Annus. Lettre Encyclique, p.65
[67]Jean-Paul II, Centésimus Annus. Lettre Encyclique, p.63
[68]Jean-Paul II, Centésimus Annus. Lettre Encyclique, p.63
[69]Wenin, A., La Bible ou la violence surmontée, p.1
[70]Wenin, A., La Bible ou la violence surmontée, p.9

1 commentaire:

  1. Ca fais un temps de silence. c'est bon comme vs venez de reprendre les activités

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